4 000 ans de mystifications historiques
fut progressivement destitué de ses postes et le lyssenkisme fut officiellement discrédité en 1964. Il avait coûté cher en temps et en argent à l’Union soviétique. Dans une de ses déclarations péremptoires, Lyssenko avait déclaré : « La génétique est fasciste. » Elle s’était vengée.
1956
Ernesto Che Guevara,
du mythe à la mystification
De tous les mythes du XX e siècle, celui d’Ernesto Che Guevara est indéniablement l’un des plus tenaces, mais aussi des plus creux. De l’exaltation d’un insurgé contre la dictature particulièrement méprisable d’Alfredo Batista, qui avait transformé Cuba en dépotoir d’une féodalité médiévale et en chasse gardée de la mafia, l’imaginaire occidental devait aboutir à la fabrication d’une icône et d’une mystification de vastes proportions. L’image du barbudo aux ongles sales allait trôner dans tous les antres de la pensée révolutionnaire, des librairies branchées de Greenwich Village aux cervezerie de Barcelone après la chute du franquisme, des chambres d’étudiants parisiennes aux bodegones de Buenos Aires : celle du jeune homme romantique au cœur empli d’un rêve de fraternité universelle et de justice sociale.
La vérité personnelle de ce nouveau Netchaïev était pourtant évidente à quiconque avait suivi les débuts de la carrière de Guevara : quelques mois après sa rencontre au Mexique avec Fidel Castro, quand les barbudos eurent secrètement débarqué à Cuba, Guevara fut nommé commandant d’une « colonne ». Un gamin de quatorze ans qui en faisait partie avait volé un peu de nourriture parce qu’il avait faim : Guevara l’apprit et le fit fusiller sur-le-champ. Voilà pour le cœur généreux, défenseur des opprimés et de ceux qui ont faim.
Après le renversement de Batista à l’automne 1958 – dont on oublie souvent de préciser qu’il fut dû au refus des troupes cubaines d’ouvrir le feu sur des compatriotes, lors de la bataille de Santa Clara –, Guevara fut nommé « procureur » et chargé de l’application des sentences par les tribunaux révolutionnaires. Il tenait ses quartiers à la prison de La Cabana : pendant des mois, les murs résonnèrent du fracas des exécutions qu’il commandait, dont celles d’anciens camarades de combat qui refusaient ses méthodes staliniennes.
Et ce fut Guevara qui créa personnellement les camps de travail, versions mâtinées des camps nazis et des goulags, les sinistres « unités militaires d’aides à la production » ; le premier fut ouvert dans la péninsule de Guanahu en 1960 ; on y envoyait les « déviationnistes », catholiques, démocrates impénitents, homosexuels, admirateurs des Beatles et autres, que la police raflait par douzaines sur dénonciations anonymes. Aussi l’un de ses pseudonymes était-il « Staline II ».
Examiné sans lyrisme, le champion de l’« humanisme révolutionnaire » fut bien plus proche d’un Heydrich ou d’un Beria que d’une Louise Michel. La vie humaine avait pour lui peu de valeur : après la guerre, il n’y avait pour lui que la guerre : « Nous ne pouvons vivre sans la guerre. Quand nous l’avons faite, nous ne pouvons vivre sans elle », déclarait-il. Et, dans la crise des missiles de 1962, quand Kennedy contraignit Krouchtchev à retirer de Cuba ses bases de missiles, Guevara déclara au journal communiste The Daily Worker que, si les missiles avaient été sous le contrôle des Cubains, ceux-ci les auraient lancés contre l’Amérique.
Ses admirateurs – on serait tenté de dire : ses sectateurs – entendirent-ils son adresse aux Nations unies, le 11 décembre 1964 : « Nous avons fusillé, nous fusillons et nous continuerons de fusiller tant qu’il le faudra. Notre lutte est une lutte à mort » ? On peut en douter : la « guévaromanie » commençait alors à sévir. Un demi-siècle suffit à peine à dessiller les yeux de ceux qui l’avaient porté aux nues, et il fallut attendre 1996 pour que Régis Debray rappelât l’éloge que Guevara avait fait de « la haine efficace qui fait de l’homme une efficace, violente sélective et froide machine à tuer (87) ».
Mais en 2007, un cinéaste crut utile de réinventer la folle randonnée à moto du pseudo-médecin à travers la pampa, lors des belles années de jeunesse du beau révolutionnaire, et les critiques essuyèrent une larme de nostalgie.
Tel fut l’énergumène qu’une frange
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