Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
4 000 ans de mystifications historiques

4 000 ans de mystifications historiques

Titel: 4 000 ans de mystifications historiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
Vom Netzwerk:
on disait qu’ils étaient restés dans la région  (85) .

1948
    La grande farce du mitchourinisme soviétique
    La contamination des sciences exactes par les idéologies est une maladie infectieuse dont le seul remède connu est le ridicule. Mais les conséquences peuvent en être odieuses, comme dans le cas du racisme dit « scientifique  (86)  », ou coûteuses en argent, en temps et en prestige, comme ce fut le cas du mitchourinisme, aberration de la biologie soviétique qui dura de 1948 à 1953.
    Cette lubie prétendait s’inspirer des discours d’un jardinier sans formation scientifique, Ivan Vladimirovitch Mitchourine, qui, jusqu’en 1935, expliquait à sa façon les caractères de plantes hybrides qu’il avait produites et qui, selon lui, présentaient les qualités des deux variétés croisées (alors qu’elles n’en possédaient que certaines). Cette fantaisie trouva un défenseur ardent en la personne de Trofim Denisovich Lyssenko, diplômé de l’école d’horticulture d’Ouman. Né en 1898, Lyssenko était un partisan convaincu de l’idée qu’il est possible de modifier la nature, bien qu’il n’eût que des notions primaires de génétique (cette science ne faisait alors que balbutier). Il se distingua aux yeux des autorités soviétiques en assurant qu’il connaissait les techniques pour accélérer la maturation et le rendement des cultures céréalières et autres. La grande crise agricole des années 1930 sévissait alors et on l’écouta avec attention. À l’appui de ses dires, il présenta des expériences qui ne valaient que par ses explications, mais il fut nommé directeur de l’Institut de sélection et de génétique d’Odessa, puis de l’Institut de génétique de l’Académie des sciences de l’URSS, puis président de la toute-puissante Académie Lénine des sciences agricoles.
    À partir de là, il devint l’autocrate absolu de toute la biologie soviétique, tous domaines confondus. Il rejeta la « génétique bourgeoise occidentale mendélienne-morganiste » et la remplaça par le mitchourinisme. Il prétendit, entre autres fadaises, que, placés dans des circonstances déterminées, des plants de blé produisaient du seigle ; ce qui équivaudrait à dire que des chiens lâchés dans le désert produiraient des renards (pour reprendre une image de l’ Encyclopaedia Britannica ). Il raconta aussi qu’on pourrait faire fleurir des orangers dans le cercle polaire arctique. Des centaines d’articles et de livres publiés par lui et ses disciples, avec des démonstrations pseudo-scientifiques, firent accroire aux dirigeants soviétiques et à l’opinion publique qu’il serait possible d’organiser la transmission de caractères acquis. Ses idées finirent par gagner certains biologistes occidentaux, persuadés que la science soviétique ne pouvait pas se tromper aussi longtemps.
    On peut affirmer que Lyssenko présida à la plus grande mystification scientifique du XX e siècle. Y crut-il lui-même ? Il est difficile d’imaginer qu’un homme frotté de science, à défaut d’en être imprégné, ait pu prêter foi aux résultats d’expériences sur lesquelles il fonda ses promesses extravagantes ; il semble plus probable qu’il ait cru devoir y croire, parce qu’il le fallait. Tel un staretz saisi par une illumination, il s’était pénétré d’un impératif catégorique qu’il devait imposer même aux maîtres de son pays, parce qu’il allait dans le sens – imaginaire – de l’Histoire. La science n’était pour lui qu’un aspect du langage. Le besoin de croire fait qu’on finit par croire à ce qui ressemble le plus à ce qu’il convient.
    En termes plus simples, il s’était automystifié et il mystifia les autres. Mais – selon l’adage de George Bernard Shaw – « si l’on peut duper quelques personnes tout le temps ou tout le monde pendant un certain temps, on ne peut pas duper tout le monde tout le temps ». En foi de quoi Lyssenko fut démasqué.
    Le personnage en privé était odieux : en 1940, il fit arrêter le plus grand botaniste de son pays et l’un des plus brillants du monde, Nikolaï Vavilov (1887-1943), et le fit déporter au goulag de Saratov. Vavilov, lui, spécialiste de l’origine des espèces végétales, ne croyait pas au « mitchourinisme », fiction né d’une idée à demi cuite germée dans un cerveau dérangé par le fanatisme.
    L’échec de ses expériences entraîna sa déchéance. Il

Weitere Kostenlose Bücher