4 000 ans de mystifications historiques
qu’en Italie, on estime que trois à cinq mille enfants étaient opérés chaque année, vers l’age de six ans, par des barbiers ou des chirurgiens. Pour dix ans seulement, on peut estimer l’importance des légions d’eunuques qui couraient les rues des villes d’Italie, la castration n’arrêtant pas le développement du reste du corps.
Ceux qui étaient destinés au chant subissaient un entraînement qu’on peut qualifier sans excès d’effroyable : neuf à dix heures par jour. Leur musculature laryngée se développait de façon prodigieuse et permettait à la voix de couvrir jusqu’à trois octaves et de soutenir des aigus admirables, les cordes vocales, elles, étant demeurées petites.
Le répertoire lyrique du bel canto se fonda de la sorte sur la plus cruelle des mutilations qu’on puisse imaginer, parce qu’à celle-là s’attache une valeur symbolique et qu’elle mutile l’identité autant que le corps.
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Les motifs de la castration n’étaient pas toujours accidentels, on s’en doute : en effet, les castrats ne chantaient pas seulement dans les églises, mais également dans les cours des seigneurs, où ils touchaient des cachets étourdissants. Des eunuques chanteurs tels que Baltasare Ferri (1610-1680), Caffarelli (1710-1783) ou Blaise Berthod devenaient des vedettes recherchées par les princes. Alors qu’en France les cantatrices étaient excommuniées au Grand Siècle et qu’en Italie la police les cantonnait aux quartiers réservés, leurs substituts menaient grand train, roulant carrosse et dotés de palais. Un Farinelli (de son vrai nom Carlo Broschi, 1705-1782), surnommé le « Chanteur des rois », passa vingt-deux ans à la cour d’Espagne ; il est dit qu’il guérit la mélancolie de Philippe V en lui chantant les mêmes quatre airs tous les jours pendant dix ans. On est en droit de se demander si la mélancolie ne céda pas à l’exaspération.
Avoir un enfant castrat bien entraîné et bien introduit pouvait représenter la fortune pour une famille, et ce n’est pas soupçon infâme que douter de la nature accidentelle de maintes castrations. Autant dire que l’on mutila un nombre impossible à évaluer de garçons pendant des siècles, aux seules fins d’exploiter leur misérable particularité. Et l’on ne dit pas, car on l’ignore, combien d’enfants moururent des complications suivant l’intervention, les barbiers et les chirurgiens ignorant alors l’asepsie. La même lame qui avait rasé un manant souffrant d’acné coupait les bourses.
Mais enfin, la délicatesse, les progrès de la médecine et l’émancipation des femmes, pour ne pas citer le mépris inspiré par la castration, mirent heureusement fin à leur règne. Le dernier qui parut sur scène, Moreschi (1858-1922), semble aussi avoir été le seul enregistré en 1902 et 1903. Mais le 9 février 1983, un véritable castrat contralto, Paolo Abel do Nascimento, Brésilien, chanta à l’église Sainte-Marie de Limoges. L’affaire était alors entendue depuis longtemps : dès les débuts du XIX e siècle, les cantatrices avaient enfin quitté les quartiers louches pour accéder aux scènes d’opéra, en même temps que triomphaient des hommes indemnes, ténors, basses et barytons.
Ces faits ne sont généralement connus que de quelques spécialistes et leur caractère révoltant est trop souvent occulté par le goût d’un exotisme hors de propos. Ce n’est pas, à notre avis, faire offense au talent ni à l’honneur des hautes-contre, contre-ténors et falsettistes, ni au bon goût des amateurs de baroque que de stigmatiser une tradition fondée sur l’exploitation de la mutilation, fût-elle artistement voilée par les guirlandes du plaisir esthétique.
En 2011, un médecin marseillais émettait l’hypothèse que le roi défunt de la pop music, Michael Jackson, avait subi une castration chimique lors de sa puberté. Et que c’était ainsi que la voix de l’enfant prodige des Jackson Five avait échappé aux ravages de la puberté.
1963
Résoudra-t-on l’énigme
de l’assassinat de John F. Kennedy ?
S’il y eut bien au XX e siècle une mystification monumentale, ce fut indéniablement l’enquête sur l’assassinat public de Kennedy.
Le 22 novembre 1963, à 12 h 30, le président des États-Unis, John Fitzgerald Kennedy, mourait dans sa voiture décapotée, alors qu’il venait de passer dans Elm Street, à Dallas, devant un dépôt de livres, le Texas Book
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