4 000 ans de mystifications historiques
méthodes d’analyse scientifique : celles-ci révélèrent que le papier des pseudo-journaux contenait un agent chimique de blanchissement inexistant avant 1955, que les fils qui attachaient les cachets de cire contenaient du polyester, également inexistant à l’époque, que la colle de la reliure était de fabrication récente…
Traduit en justice, Kujau écopa d’une lourde peine de prison.
Heidemann aussi paya chèrement sa coupable passion pour les vestiges du III e Reich.
Pour les autres, la sanction fut une durable blessure de l’amour-propre. Ils avaient d’abord voulu croire à la réalité de ces journaux. Comme si le Diable tenait un journal.
En fait, ils s’étaient eux-mêmes mystifiés. La phénoménale stupidité qui avait laissé croire quelques mois à l’authenticité de ces journaux intimes procédait du désir d’y croire.
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Le fiasco retentissant de cette aventure occulta une affaire similaire, qui ne fut conclue qu’en 1994 et qui défraya le petit monde des historiens et experts des documents du fascisme ; ce fut celle de pages de journaux intimes de Benito Mussolini, datant des années 1942 et 1945, qui, au printemps 1967, avaient été offertes à l’hebdomadaire anglais Sunday Times pour la somme considérable de 76 400 livres.
Or, précédemment, le Dr Oscar Ronza, de Novarre, chef du parti MSI (Movimento Sociale Italiano), avait payé en 1955 la somme rondelette de 9 850 000 lires à la dame Rosetta Panvini Rosati et à sa fille Amalia, habitant Vercelli, pour quelque huit mille pages de journaux et brouillons de Mussolini, allant de 1921 à 1939, qu’elles disaient détenir depuis 1945.
Pendant les douze années séparant ces deux tractations, bien des événements étaient advenus. Le Dr Ronza avait proposé les fameux documents au grand éditeur de Milan Arnaldo Mondadori, qui les avait soumis à des experts, à des familiers et à des membres de la famille, Donna Rachele, veuve du Duce, et le jeune Romano Mussolini. Il avait même fait venir d’Argentine à ses frais l’un des fils de Mussolini, Vittorio, pour examiner ces documents. Tous avaient conclu que c’étaient des faux. Vittorio Mussolini s’était déclaré très sceptique, mais n’avait pas rendu de jugement définitif.
Mondadori et Ronza exigèrent la restitution des sommes payées et un procès s’ensuivit. La cour déclara les journaux faux et condamna les dames Rosati pour trafic de faux et escroquerie. Les carabinieri saisirent la masse de faux journaux, qui devaient être brûlés par décision de justice. À l’évidence, ils ne le furent pas.
Car, quand deux des experts du second épisode, Giorgio Pini et Silvio Bertoldi, examinèrent les documents, ils reconnurent immédiatement ceux qu’ils avaient déjà eus en main et donnèrent l’alerte. Cette fois, ce n’étaient pas les dames Rosati qui avaient tenté de mettre ces faux sur le marché, mais un certain Ettore Fumagalli, qui se présentait comme ancien partisan « blanc » dans la résistance italienne. Il assurait qu’il était entré en possession de ces journaux « par hasard », en 1945.
Nul n’expliqua jamais comment les mêmes documents auraient d’une part été détenus par les dames Rosati et d’autre part par Fumagalli.
Toujours est-il que le Sunday Times et un autre éditeur italien, Rizzoli, renoncèrent à publier les présumés journaux du Duce. Cette fois, cependant, il n’y eut pas de procès, personne ne fut condamné et l’ordre de détruire les faux ne fut donc pas donné.
Précisons qu’à l’époque l’affaire des journaux de Hitler n’avait pas encore éclaté.
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Dans une ultime péripétie – car la saga de ces journaux intimes ressemble à un feuilleton –, en 1994, des pages en parvinrent à un autre hebdomadaire anglais, le Sunday Telegraph . Étaient-ce les mêmes que celles qui avaient parcouru l’Europe pendant vingt-sept ans ? L’illustré italien Epoca les compara avec des photocopies qu’il détenait des faux avérés et, à sa grande surprise, constata que non. Le graphisme et la teneur en étaient sensiblement différents.
Une hypothèse s’imposa alors : il y aurait eu en circulation des vrais et des faux journaux intimes de Mussolini. Mais l’écheveau de l’affaire était désormais tellement embrouillé qu’aucune explication ne fut imposée.
Et l’on est fondé à se demander si ce n’étaient pas ces journaux que Winston Churchill, secrètement
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