A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
veut même qu'ils attendent à l'aéroport
qu'une demi-heure s'écoule avant de partir, pour le cas où un incident technique obligerait l'avion emportant « leur ministre » à réatterrir...
L'ensemble du séjour n'a souvent duré que quarante-huit heures.
Le record de brièveté échoit assurément à la première tournée d'Alain au Proche-Orient, du 17 au 20 novembre 1993 : trois pays, Syrie, Jordanie, Liban, « avalés » du mercredi soir au vendredi matin, avant que nous ne redécollions pour le sommet franco-espagnol de Tolède et Madrid. Le record du record avait été l'étape d'Amman où nous n'avions passé en tout et pour tout que deux heures ! Ce premier passage éclair en Jordanie est une bonne illustration du carcan que peuvent constituer les programmes officiels. Plus les voyages sont courts, plus strict est le minutage et plus il est difficile de s'en échapper. Nous avions déjà pris du retard le matin en partant de Damas, il fallait donc essayer de le rattraper à Amman. Le programme d'Alain avait été condensé — son déjeuner transformé en quelques sandwichs à l'aéroport. On avait de même amputé le mien, qui comprenait un déjeuner offert par l'épouse du ministre des Affaires étrangères et une visite rapide de la
citadelle d'Amman, ... de la visite de la ville. Offert par mon « homologue » jordanienne, une femme aux yeux bleu-gris dont l'intensité me frapperait plus encore la seconde fois, le repas s'était déroulé au pas de course, au dernier étage d'un grand hôtel, en compagnie d'une dizaine de convives, jordaniennes et françaises, dont une archéologue absolument passionnante. Je ne savais pas à ce moment-là que je reverrais certaines d'entre elles quelques mois plus tard au cours d'un « dîner de dames » très agréable... De ce premier voyage en Jordanie, je garde surtout le souvenir du livre glissé en toute hâte dans mes mains par l'attachée culturelle de l'ambassade de France, en bas de l'avion, au moment de redécoller : Pétra, le dit des pierres, un recueil de photographies et de nouvelles écrites sur le site de Pétra, par des écrivains français et arabes. Grâce à cet ouvrage parcouru dans l'avion, qui nous emmenait ensuite à Beyrouth, j'avais quand même eu l'impression de « goûter », au moins par la lecture, à un petit bout du patrimoine jordanien, et surtout éprouvé le désir très fort de venir un jour à Pétra. Quelques mois plus tard, en février 1994, Alain effectua une nouvelle tournée dans la région : Jordanie, Israël et Territoires
occupés. Cette fois, le voyage à Pétra avec un archéologue français avait pu être glissé dans le programme, entre deux rendez-vous officiels... Le rythme d'enfer de la visite (une heure et demie au lieu des deux jours nécessaires selon le guide bleu) n'avait pas altéré le choc : la beauté soudaine, au détour d'une faille au fond du défilé de pierres, de ces tombes royales creusées dans la roche rose, qui dévoilent quelques-uns des secrets de leurs deux mille ans d'histoire et illustrent si bien le livre parcouru à la hâte : Pétra, le dit des pierres.
Mes visites, pendant les rendez-vous officiels d'Alain, surtout au début, furent à dominante culturelle. Elles devinrent aussi « sociales ». Je visitai des fondations pour enfants handicapés, des instituts médicaux, des écoles pilotes, des associations caritatives... Mais l'on tient surtout à me montrer les richesses du patrimoine national. En quelques mois, j'ai pu réviser, approfondir, et souvent découvrir, les rudiments de « culture culturelle » indispensables au « bagage » d'une femme de ministre. Je suis parvenue à connaître les principaux musées du monde, à visiter dans des conditions toujours privilégiées quelques collections privées, la Frick à
New York, la Philips Collection à Washington, la « Barnes » de Philadelphie, à la National Gallery à Washington (venue quelques mois plus tard au musée d'Orsay à Paris), sans compter le palais Corsini à Rome, le Prado à Madrid...
Je garde un souvenir particulier de la fondation Thyssen à Madrid, où grâce à une jeune guide « spécialisée dans l'accompagnement des personnalités », je ressortis en ayant pour la première fois l'impression de connaître un petit quelque chose à la peinture.
Bien sûr, nous n'étions pas des visiteurs comme les autres, être ministre ou « épouse de » est sans conteste un plus. Cela ouvre la porte aux meilleures
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