A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
contact entre les ministres. Ils s'enfoncent en général l'un à côté de l'autre dans de profonds canapés. Les membres les plus éminents de la délégation sont eux aussi priés de s'asseoir. On sert à l'assistance un breuvage local ou international, café à la cardamome ou thé à la menthe, jus de fruits ou eau pétillante... Simple hors-d'œuvre aux agapes locales que constitueront les dîners officiels, inséparables de toute visite à l'étranger. Parfois il faut avoir l'estomac solide pour passer sans encombre des mezzé libanais au tofou japonais ! Les deux ministres échangent des banalités d'usage, je fais de même avec mon homologue, l'ambassadrice ou la personne du protocole... Et ce sous les feux des caméras de la
presse locale qui en général se précipite pour saisir ces premiers instants où tout le monde, il faut le reconnaître, a l'air un peu abruti par le voyage. Les micros se tendent vers Alain pour l'interroger sur les raisons de sa visite, ce qu'il en attend, ce qu'il va décider avec son homologue... le tout très vite et la plupart du temps en anglais quand ce n'est pas dans la langue du pays, ce qui nécessite l'aide de l'interprète. Je suis souvent baba devant la décontraction avec laquelle Alain se prête à ce premier exercice. Je serais moi-même incapable d'articuler deux mots, souvent groggy du fait des heures d'avion, du décalage horaire, des changements brutaux de température ou de la climatisation.
Ensuite, sans que l'on sache d'où il vient, le signal du départ est donné. Tout le monde lève le camp. Direction : les voitures du cortège, numérotées selon l'ordre protocolaire en vigueur dans le pays. C'est à ce stade que je commence à perdre la trace d'Alain, qui monte dans la voiture de son homologue ou de l'ambassadeur français pour partir vers ses premiers rendez-vous.
On me dirige en général vers une autre voiture. Si l'épouse du ministre n'est pas là, je suis « prise en charge » par l'ambassadrice
française ou le consul, ou encore une autre dame de l'ambassade. Forte de mes premières leçons apprises à Tokyo, je m'installe sans hésitation derrière à droite. J'ai appris sur les cortèges mille et une anecdotes et « lois » lesquelles, à chaque voyage officiel, se répètent selon les mêmes règles de ballet. Par exemple, lorsque le nombre de véhicules est impair, la voiture d'honneur est en tête, alors que si le nombre en est pair, elle se place au milieu. Ou encore : un cortège démarre toujours en trombe, à cause du strict minutage des programmes ou tout simplement de l'espèce de frénésie qui entoure chaque visite officielle. Malheur à celui qui ne monte pas à temps dans son véhicule programmé pour partir à l'instant t. La voiture ne l'attendra pas... J'ai d'ailleurs remarqué que l'intensité des sirènes (volume sonore, fréquence...) est souvent inversement proportionnelle au degré de démocratie qui fleurit dans le pays d'accueil.
M'accompagnent parfois dans mes visites une ou plusieurs femmes du pays, une interprète, un officier de sécurité, un ou une guide, sans oublier le conducteur de la voiture.
Au retour, le rituel se répète. L'ambassadeur et le ministre étant censés s'être tout dit à
l'aller, il est parfois permis à l'épouse de monter dans la voiture de son mari pour se rendre à l'aéroport. Là, dans le salon d'honneur, les délégations se rassoient dans les mêmes canapés et sous les mêmes caméras. Le ministre et son homologue, s'il est là, font le bilan de la visite. C'est ensuite le moment de serrer les mains de toutes les personnes étrangères ou françaises qui ont contribué au bon déroulement du voyage. Nous repartons en général avec des cadeaux offerts par nos hôtes. Les remises de présents (le Quai d'Orsay en apporte également) s'effectuent par l'intermédiaire des services du protocole.
Dans les bagages français, cela peut aller du livre d'art au foulard Hermès, en passant par un vide-poches, une médaille ou une pendulette. A l'étranger, pas un cadeau ne ressemble à un autre. Chaque pays a ses traditions, son artisanat local, et ses goûts. Alain a reçu autant de cadeaux différents qu'il a rencontré de personnalités. Puis nous montons dans l'avion et faisons un petit signe de la main par le hublot au moment de décoller. La coutume veut que l'ambassadeur de France (et sa délégation) restent debout sur la piste jusqu'à ce que l'avion ait disparu dans le ciel. L'usage
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