A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
que sont les nuages ! Parfois totalement opaques et épais comme de grosses couches de coton, parfois fluides et étirés jusqu'à se fondre dans
l'espace aérien, ils nagent avec régularité dans des ciels bleu vif ou gris-noir, parfois roses à l'horizon. En bas, quand l'altitude et le temps le permettent, les langues de désert, les arêtes montagneuses enneigées, les rubans sombres des fleuves ou les veines des reliefs se dessinent avec précision, nous apparaissant alors dans toute leur dimension, dans toute leur signification... J'ai enfin compris ce que signifie l'expression : « prendre de la hauteur ».
Pendant ces parenthèses aériennes, à cause de l'altitude et du décalage horaire, nous nous sentons hors du temps et de l'espace. Dans des no man's land célestes où règne la paix, alors qu'on s'étripe au ras du sol.
Je me souviens de ce lundi 1 er novembre 1993, où nous partions pour Moscou. Il faisait à Paris, que nous allions quitter, un temps de Toussaint. Nous avions décollé au début de l'après-midi. Vers la fin du vol, je me rappelle avoir regardé ma montre. Il était quatre heures, heure française. L'avion déchirait le bleu vif du ciel, à quelques dizaines de mètres au-dessus de la couche nuageuse. Le soleil, éternelle surprise que l'on découvre presque toujours une fois franchi le cap des cumulus, éclairait encore le ciel de ses rayons
orangés. Puis il avait fallu amorcer la descente pour préparer l'atterrissage, et l'Airbus avait plongé dans le coton des nuages. En dessous, tout d'un coup, en dix secondes, tout avait changé. Il était deux heures de plus, six heures du soir, heure russe. Il faisait déjà nuit noire...
J'ai aimé flâner aussi, au hasard des villes étrangères, dans des cimetières remplis d'inconnus. Ces villages de dernières demeures font aussi, d'une certaine manière, partie du patrimoine culturel d'une ville, d'un pays ou d'une civilisation... J'aime m'y promener pour y glaner un nom, célèbre ou anonyme, gravé sur une tombe, y croiser le regard figé d'une photo jaunie par le temps.
Que ce soit celui d'Arlington à Washington, réservé aux hommes morts pour la patrie américaine, tiré à quatre épingles et peuplé de milliers de croix blanches plantées dans d'immenses pelouses vertes, avec quelques tombes célèbres, comme celle de Kennedy sur laquelle la flamme ne s'éteint jamais... ou celui, tout petit, avec ses allées en dédale, de Prague, sur la colline, destiné aux artistes tchèques, où le lierre a mangé les pierres tombales. Sans oublier bien sûr celui de
Venise, sur l'île San Michele, dernier paradis vénitien entouré d'eau, où les morts arrivent en gondole... J'aime ces espaces de paix où flotte une atmosphère non pas de mort, mais de mémoire.
LES ENFANTS SONT COMME ÇA...
« Maman, qu'est-ce qui t'arrive ? On dirait une nouvelle maman. Il est 10 heures du soir, on est dehors, je te demande des bonbons, tu ne me dis pas que c'est mauvais pour les dents et qu'il est cent fois l'heure d'aller au lit. »
Ce 21 juin 1993, c'était la fête de la musique. Quentin, du haut de ses sept ans et demi, était aux anges. Son visage rayonnait de joie dans la nuit qui commençait à tomber. Il était en effet plus de dix heures du soir et nous déambulions tous les deux main dans la main, en jean et T-shirt, au rythme des orchestres et chorales qui faisaient swinguer les rues de Saint-Germain-des-Prés. La nuit était à nous. Charline abritait pour une semaine ses quatre ans chez ses grands-parents. Alain dînait à Copenhague chez la reine du Danemark.
Le Quai d'Orsay a-t-il changé la vie de mes enfants ? Non. Leur univers quotidien n'a pas
été bouleversé. Les voyages ont sans doute amélioré les connaissances en géographie de Quentin, qui recherche activement sur son globe lumineux chaque nouvelle destination d'Alain. Charline s'est prise d'affection pour le chauffeur que le Quai d'Orsay a mis à ma disposition : il l'emmène parfois jouer chez un petit copain et, surtout, il a de délicieux bonbons à la menthe dans la voiture. Se faire servir de temps en temps un Coca-Cola sur un plateau d'argent reste pour tous les deux le comble du luxe...
Alors bien sûr, au gré des — rares — dîners en famille, ils posent comme tous les enfants des questions à la fois saugrenues et pertinentes :
Charline : « Balladur c'est le Premier ministre et qui c'est le deuxième ministre ! »
Quentin : « Mitterrand, c'est la
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