A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
dérision par certains, qui les considèrent comme le comble d'un nouveau snobisme.
Plus simplement, ces femmes n'ont pas droit à une véritable reconnaissance. Le magazine l'Express du 13 janvier 1993 faisait sa une sur les femmes en France. Pour établir un
bilan exhaustif de la Française, il proposait le portrait de vingt-neuf femmes censées représenter les différents types de Françaises. Cela allait de la chômeuse à l'avocate, du top model à la femme marin-pêcheur, de l'infirmière à la syndicaliste, de l'homosexuelle à la factrice... Mais il n'y avait pas une femme au foyer s'occupant de ses enfants, ni une épouse engagée dans une activité bénévole!
Ce constat ne doit pas occulter l'essentiel. Ces quelques mois dans les coulisses du Quai d'Orsay et surtout mes voyages à l'étranger m'ont démontré, si je ne le savais déjà, à quel point les Françaises n'ont pas trop à se plaindre. Certes, le combat pour l'égalité des droits des femmes et des hommes en France n'est sans doute pas devenu un combat d'arrière-garde, comme me le disait l'an dernier, dans une interview, une célèbre féministe. Et s'il est un domaine où il reste de gigantesques progrès à faire, c'est bien celui de la représentation politique des femmes en France!
Les veuves en Inde ne brûlent peut-être plus sur le bûcher du défunt... Mais j'ai visité des pays où les épouses comptent pour la moitié de leur mari, des pays où les femmes ne sont jamais autorisées à dîner avec les hommes, des pays où elles doivent partager
leur époux avec cinq ou six autres femmes, des pays où elles n'ont pas le droit de conduire, pas de passeport personnel et donc pas d'identité propre! Sans doute faut-il ouvrir un peu les yeux sur ce qui se passe ailleurs, ce que j'ai eu le grand privilège de faire pendant tous ces mois, pour relativiser ses indignations !
A BICYCLETTE
Mon vieux vélo n'a pas trop rouillé en un an. Je ne me le suis toujours pas fait voler. Il est vrai qu'au Quai d'Orsay, il est bien protégé.
Je quitte le secrétariat particulier (le SP pour les intimes), débouche dans le salon du Congrès, traverse successivement l'antichambre puis le vestibule ouest, redescends à gauche l'escalier qui donne sur l'extérieur. L'huissier et le gendarme de service se lèvent et me saluent avec respect. Le premier se précipite pour ouvrir, avant que j'ai dévalé toutes les marches, la porte en bas. Dehors, je fais un petit signe au gendarme qui, dans sa cage de verre, contrôle les entrées et les sorties. Il fait d'abord coulisser la lourde grille qui sépare la cour du ministère des grilles extérieures.
Je prends mon vélo, appuyé contre le mur.
Puis, il ouvre le portail d'entrée. Je me retrouve dans la rue en face de la gare d'Air France, sur la grande esplanade des Invalides. A droite, puis encore à droite au premier feu, le long des quais de la Seine. Puis, boulevard Saint-Germain jusqu'à la rue de Rennes. Le carrefour de la rue du Bac est le plus délicat, avec son embranchement vers le boulevard Raspail. C'est souvent là que je reçois les premières insultes des automobilistes qui se sont levés du mauvais pied. Quel effet cela fait-il, après s'être entendu donner du « madame, oui madame, bien madame, bonjour madame, au revoir madame », toute la journée, de se faire insulter par un chauffard qui ne supporte pas les bicyclettes dans Paris ? Finalement, cela fait plutôt du bien !
Le boulevard se dégage un peu plus loin. Je le traverse en diagonale pour pouvoir me ranger du côté gauche. En faisant le tour de la petite place où des musiciens s'installent chaque été, je repense à ces quelques phrases glanées ce matin en finissant la lecture du Journal de Jacques Dumaine : « Vivre consciemment, c'est se rappeler. Nos existences agitées ou calmes, vécues à un carrefour ou s'écoulant dans une retraite, absorbent surtout les reflets du monde extérieur. L'imagination contribue peu à l'enrichissement graduel de cet intime butin. Notre cerveau n'est qu'un prisme et n'a guère la faculté de créer mais il possède la faculté de capter, puis d'évoquer; il donne ainsi le change. L'imagination, qui devrait dominer, n'est en nous que la Cendrillon de notre mémoire. »
Il est 4 h 15. A l'école, « l'heure des mamans », comme l'on dit aux petits, approche. Je serai à l'heure !
1 Un remarquable mémoire de DEA vient d'être réalisé sur ce sujet: Delphine Le Guay, Les premières dames
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