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A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

Titel: A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Isabelle Juppé
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fragrances envoûtantes. Celui des artisans de Damas, ville multiséculaire, à quelques pas de la célèbre mosquée des Omeyyades. Celui du Caire, avec ses charrettes tirées par des ânes et ses marchands ambulants de petites pommes de terre roses et sucrées. Celui de Jérusalem, où les ruelles musulmanes grouillent de monde, d'épices et de vie, tandis que juste au-dessus, installés sur les terrasses de la ville, les juifs ont planté sur le toit de leur maison le drapeau d'Israël. Ou encore celui de Riad en Arabie saoudite où les femmes couvertes des pieds à la tête par l' « abaya », fantômes noirs dont pas un pouce de chair n'est visible, déambulent et trébuchent à travers les cuirs et théières, victimes de l'implacable « charia » qui fait naître les hommes rois et les femmes objets...
    Dans ces pays-là, la misère n'est jamais loin, qui jette les enfants aux grands yeux noirs
dans la rue, la main tendue. Le quartier du Mokattam dans la capitale égyptienne est un de ceux-là, où vivent les chiffonniers du Caire, assis sur des tas d'ordures.
    Des lieux, des rencontres et des moments forts, très forts, comme ces quelques heures passées en plein mois de janvier au monastère Sainte-Catherine, dans le Sinaï, au pied du Buisson ardent. Voyage dans l'histoire de l'humanité et du christianisme, escalade du mont Moïse (nous avons dû rebrousser chemin à cause de la neige et du vent qui soufflait sur les dernières marches creusées dans la montagne). Je garde en mémoire le visage transfiguré du père Nicolas (un Anglais), avec sa longue barbe noire, qui, en train d'éplucher une clémentine pendant l'ascension, m'expliquait que, depuis son arrivée au monastère, chaque jour était, dans la lumière de Dieu, plus beau que le précédent. J'ai aussi toujours présent en moi le souvenir du repas en commun, le soir, dans la salle à manger du monastère, avec les moines orthodoxes qui, dans le calme d'une nuit, loin du reste du monde, chantèrent à la fin du repas quelques chants bouleversants d'émotion.
    Un mois plus tard, sur la route de Jérusalem à Jéricho, au détour d'un virage, le père
dominicain qui m'accompagnait me montra un autre monastère orthodoxe, creusé à même la montagne, comme suspendu au-dessus d'un canyon ! Là aussi, accrochés à la montagne, vivaient en ermites une dizaine de moines. J'avais été surprise de voir que les ermites en savent beaucoup plus que nous ne l'imaginons sur les tribulations du monde. C'est probablement cela la grâce !
    Et puis d'autres moments d'émotion, reçus parfois en plein cœur, au hasard de visites officielles qui vous conduisent tout à coup entre une galerie de peinture et un site archéologique, devant la porte de lieux qui vous poursuivent longtemps après le retour à Paris.
    Les mots ne pourraient pas décrire ces deux appels à la conscience collective, ces deux remparts contre l'oubli que sont les musées de Yad Vashem à Jérusalem et celui de l'Holocauste à Washington... Mais les deux « coïncidences » de ces visites me hantent encore.
    En mai, à Washington, alors que nous arpentions les couloirs sombres du musée de l'Holocauste, qui retrace l'horreur des camps de concentration, au détour d'un couloir, nous étions tombés nez à nez avec des policiers tenant en laisse un berger allemand qui
flairait le sol. Brrr ! En fait, il s'agissait d'un chien dressé à détecter des explosifs, que la sécurité américaine faisait passer dans tous les recoins du musée. Celui-ci devait être visité quelques instants après nous par le président... allemand.
    A Jérusalem, en février, pendant que je visitais le musée de Yad Vashem, mon guide israélien, qui avait vécu cette époque, me raconta qu'une vieille dame musulmane s'était présentée le matin même. Parce qu'elle avait sauvé une famille juive pendant la guerre, elle faisait partie des Justes des Nations et était déjà venue en tant que telle planter son arbre à Yad Vashem, bien longtemps auparavant.
    Mais cette fois, elle venait de quitter définitivement son pays pour s'installer en Israël et acquérir la nationalité israélienne. Sa ville, celle-là même où elle avait sauvé cette famille cinquante ans plus tôt, était devenue un enfer. Cet enfer, c'était Sarajevo...
    Et puis, si curieux que cela paraisse, de tous ces mois, je garde aussi le souvenir du ciel... Combien d'heures avons-nous passé dans les avions, dans ces contrées sans frontières

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