A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
sortir pour déjeuner.
La journée du chef avait commencé très tôt puisque ses cuisiniers et lui (ils sont cinq, plus trois appelés du contingent et quelques extras en cas de coup de feu) arrivent à sept heures et demie au Quai d'Orsay. Avant de franchir les grilles du ministère, le chef, comme tous les jours, est allé aux Halles choisir lui-même fruits et légumes. Le reste des ingrédients nécessaires est commandé la veille chez plusieurs fournisseurs réguliers du Quai d'Orsay, et livré directement aux cuisines.
Je me penchai avec curiosité sur le menu d'Alain et de ses invités : saumon à l'aneth, panaché de filets de bœuf opéra et de veau, savarin Joinville. Après avoir assisté à la confection de l'entrée et du plat de résistance, et glané au passage que, pour une simple vinaigrette, il faut une louche entière de
moutarde douce, trois quarts de moutarde de Dijon, une demie de vinaigre de vin vieux, une de sucre semoule, deux à trois d'huile d'arachide et deux jaunes d'œufs, je me dirigeai avec gourmandise vers le « laboratoire » du pâtissier.
Je notai avec une même conscience la recette du savarin Joinville que je me suis promis de tenter un jour...
Voici les proportions requises pour environ quatre moules à savarin ordinaires :
1 kilo de farine
70 grammes de sucre cristal
20 grammes de sel
10 œufs entiers
40 grammes de levure boulangère
100 grammes de lait
300 grammes de beurre.
Commencer par la confection du biscuit : il faut d'abord faire ce que l'on appelle le levain. Pour cela, prendre un quart de la farine, que l'on mélange à la main avec le lait et la levure. On obtient alors une pâte molle que l'on doit laisser reposer une demi-heure à température ambiante.
Ensuite, incorporer le reste de la farine avec les œufs, le sucre, le sel et les trois cents grammes de beurre fondu.
Dès que la pâte est faite, ne pas la laisser reposer, mais aussitôt la verser dans le moule à savarin (rond avec un trou au milieu) que l'on aura préalablement beurré et fariné. Le moule doit être rempli à moitié de sa hauteur, pas plus. Puis on laisse « pousser » la pâte (gonfler) de une heure et demie à deux heures à une température ambiante de 20, 21°.
Mettre au four vingt à vingt-cinq minutes à 180/190°, c'est-à-dire à thermostat 7,5/8.
Ensuite démouler à chaud comme une génoise, puis laisser reposer un ou deux jours. On peut même aller jusqu'à trois. L'idéal est d'envelopper le biscuit d'un film protecteur qui lui permettra de garder son humidité.
Le jour J, verser délicatement le sirop (deux litres d'eau mélangés à un kilo de sucre et portés à ébullition) sur le biscuit, qui doit être posé sur une grille pour que le trop-plein s'évacue. Le savarin imbibé double alors de volume. On peut, si on le souhaite, verser quelques gouttes de rhum — du bon — sur le biscuit. Enfin, il est possible d' « abricoter » le gâteau, tâche qui consiste à le recouvrir délicatement de confiture d'abricot mélangée au sirop, ce qui le rendra plus brillant. Mais ce n'est pas fini. Pour le savarin Joinville, il faut à l'intérieur (c'est-à-dire dans le trou rond au
milieu du gâteau) disposer une fine crème chantilly (crème fleurette + vanille liquide + sucre glace), sur laquelle on dépose ensuite un salpicon d'ananas (un ananas coupé en tout petits morceaux). Ultime touche : quelques copeaux de chocolat parsemés artistiquement sur le gâteau.
Et le tour est joué !
Inutile de préciser que je goûtai ledit savarin, et que je ne suis sans doute pas la dernière à m'être régalée. Voilà en tout cas de quoi combler les diplomates les plus récalcitrants qui retourneront sans effort à n'importe quelle table de négociations !
1 Jacques Dumaine, Quai d'Orsay, Julliard.
Chapitre IV
Par monts et par vaux
Je devais avoir dix ou onze ans à l'époque et être en sixième ou cinquième, au milieu de l'année scolaire. Cela reste gravé en moi comme l'une de mes plus grandes frustrations de petite fille. Le professeur d'anglais avait planifié un voyage de quarante-huit heures à Londres. Nous devions partir en car jusqu'à Calais, dormir sur le bateau, reprendre le bus à Douvres, et rouler jusqu'à Londres. Mon père avait dit non, tu n'iras pas. Arguant, si je m'en souviens bien, de ce que ce n'était pas en quarante-huit heures que j'apprendrais quoi que ce soit sur Londres, que ce ne serait pas un bon moyen d'améliorer mon anglais
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