A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
l'entretien de tout ce linge. Je crois savoir notamment que le nettoyage de la nappe baptisée « nappe de la reine d'Angleterre », puisqu'elle avait été réalisée pour un dîner en l'honneur de la souveraine britannique, s'élevait à plusieurs dizaines de milliers de francs.
L'intendant avait donc fait exposer dans le salon des Beauvais les somptueuses nappes brodées ou damassées et les parures de draps brodées main qui étaient autrefois destinées aux personnalités reçues au Quai d'Orsay.
Sans compter quelques torchons et serviettes présentés et pliés selon les différentes règles en usage dans les réceptions officielles, plus quelques assiettes et quelques verres, le tout aux armes du Quai d'Orsay, à savoir les lettres AE entrelacées, comme Affaires Etrangères.
Les ambassadrices présentes arrivaient des quatre coins du monde, de Slovénie à la Grèce en passant par l'Australie, le Canada, le Burundi... Lorsqu'elles furent toutes présentes, j'improvisai un petit mot de bienvenue avant de passer la parole à mon amie qui les charma en leur contant mille et une anecdotes sur le linge et les trousseaux d'autrefois. J'ai épinglé cette journée dans mon agenda comme celle du « thé sur le blanc ».
1 Jeu de société à base de dessins.
2 Rêves de blanc, Françoise de Bonneville, Flammarion, 1993.
Chapitre VI
Ces dames de la diplomatie
Le palais Farnese, en plein centre de Rome, est sans conteste l'un des palais les plus majestueux de la capitale italienne. Mais, c'est surtout, avec celles de Prague, de Moscou et de Lisbonne notamment, l'une des plus belles ambassades de France dans le monde.
Derrière un lourd portail noir, à deux pas du campo Fiori et de la piazza Navone, de ses fontaines et de ses chevaux, se cache, sous pavillon français, une cour en arcades fraîches, piliers d'une demeure chargée d'art et d'histoire, temple de fresques italiennes. Les Italiens sont, paraît-il, très jaloux de la France qui, outre la jouissance de ce palais contre un franc symbolique et la réciproque à Paris pour l'ambassade d'Italie, possède également la villa Médicis et ses jardins. Sans compter la ravissante villa Bonaparte, destinée à l'ambassadeur de France auprès du Vatican, qui
tiendrait tout entière, dit-on, dans le monumental salon Hercule du palais Farnese.
Au rez-de-chaussée, dans le prolongement des salons dont l'ambassadrice du jour avait récuré elle-même, m'avait-elle dit, les magnifiques dalles rouge feu, s'étire, surplombant le Tibre, une longue terrasse fleurie. Le bureau de l'ambassadeur incite davantage à la rêverie qu'au travail. A la tombée du jour, un système de lumière halogène fait progressivement jaillir de la nuit les fresques des murs et du plafond. Chacun des bureaux de la chancellerie (terme qui désigne les bureaux par opposition à la résidence) est également riche en trésors antiques.
Pour observer à loisir les mille et une scènes (parfois fort libertines !) signées par les frères Caraccio et qui peuplent le plafond de la salle à manger, la meilleure « posture » est de s'allonger sur le sol, un coussin sous la tête.
Ce soir-là, pendant qu'Alain participait à un dîner de travail de l'UEO (Union de l'Europe Occidentale), j'y ai pour ma part délicieusement dîné, assise.
L'ambassadrice avait habilement cornaqué son chef qui avait préparé des pâtes aux coquillages suivies de côtelettes d'agneau à l'artichaut, et d'œufs à la neige à la noisette
arrosés d'un coulis de thé vert. Après des dizaines de dîners ou déjeuners servis aux quatre coins du monde, pourquoi celui-ci reste-t-il si cher à mes papilles? Mystère... Sans doute parce que c'était au tout début de mon séjour au Quai d'Orsay et qu'il régnait, accentuée par le feu des chandelles, une atmosphère à la fois fellinienne et énigmatique...
Je n'aurai pas l'imprudence de me livrer à un classement des ambassades, car je n'ai bien sûr pas visité les quelque 180 résidences françaises dans le monde. Je sais que s'il en existe de luxueuses, il en est aussi de spartiates... Mais de chacune de celles qui nous ont accueillis, à Moscou ou Washington, Rome ou Prague, Riad ou Sanaa, Budapest ou Varsovie, Athènes ou Le Caire, Tel-Aviv ou Pretoria, émanait un subtil cocktail d'exotisme local et de charme typiquement français.
Me revient en mémoire un flot d'images cosmopolites de demeures installées dans de beaux parcs et décorées avec le mobilier
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