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A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

Titel: A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Isabelle Juppé
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et poussière, ceux qui étaient aux trois quarts détruits, mais dont le dernier quart était squatté par des gens qui croquaient des pommes à la lumière d'une bougie, sous un pan de mur qui menaçait de s'écrouler.
    Dix-huit ans : la guerre avait duré dix-huit ans. « C'est une blessure terrible, pas simplement une petite parenthèse. On en sort blanchi, mais pas guéri », disait Carla. Avec des doutes plein la tête. « Comment s'est-elle terminée, pourquoi avait-elle commencé ? On ne sait plus trop... Je me souviens de discussions interminables sur la politique avec des amis. On passait des soirées entières à discuter : " Il a tort, je suis de son côté, non de l'autre, si, c'est lui qui a raison, non c'est un
autre"... Maintenant, je ne supporte plus les discussions politiques, c'est complètement stérile. »
    Carla restera-t-elle à Beyrouth ? Elle éprouve régulièrement cet impérieux besoin d'atterrir à Paris, de fredonner le Printemps de Vivaldi en foulant le sol français. Tout en gardant ce fort sentiment d'appartenir à sa terre. D'être quand même chez elle, ici, à Beyrouth.
    « Il faut être un peu fou pour vivre ici ! osai-je. — Oui, mais tous les gens sont fous, répondait Carla. Les gens sympathiques, j'entends »...

    Un soir, au quai d'Orsay, ce qui aurait été quasiment inconcevable quelques années auparavant s'est produit : un dîner officiel donné en l'honneur de Yasser Arafat et de sa femme Suha. Contrairement à ce que j'imaginais, l'épouse du leader de l'OLP était une jeune femme blonde de trente ans, aux yeux bruns et à l'allure décidée. C'est peu de dire qu'un mois après la signature de l'accord historique de paix entre Israël et l'OLP, Paris avait déroulé le tapis rouge sous les pas du couple Arafat. Toutes les hautes personnalités
de l'Etat les avaient reçus en grande pompe, et leur séjour se terminait par cette réception au Quai d'Orsay. Le protocole m'avait proposé de discuter un moment avec Mme Arafat, dans le salon des Beauvais, pendant que son mari s'entretiendrait avec le mien, juste avant le dîner. J'étais là-haut, dans les appartements, en train de regarder les informations et de découvrir justement un reportage sur notre visiteuse, le matin même dans un grand hôpital parisien, quand le maître d'hôtel vint me prévenir de son arrivée. Je pensais devoir l'attendre tranquillement là, dans le salon, mais l'intendant me pressa d'aller l'accueillir en bas, au pied du grand escalier d'honneur, comme il est de règle pour une épouse de chef d'Etat. Où avais-je la tête ?
    Je dévalai les marches quatre à quatre et arrivai juste au moment où, poursuivie par une nuée de photographes et de cameramen, elle allait s'engouffrer dans l'ascenseur. Prise un peu au dépourvu, je bredouillai des banalités sous les flashes pendant qu'elle m'embrassait chaleureusement. Escortées par deux ou trois femmes de ses amies, nous remontâmes l'escalier pour nous rendre dans le salon des Beauvais où un bon feu de cheminée nous attendait. J'avais lu quelque part, au hasard d'un de ses portraits dans la presse, qu'elle était
« jeune, souriante et chaleureuse », et qu'elle avait « réussi à se forger la stature d'une femme de chef d'Etat ». Elle était en effet jeune, souriante et chaleureuse. Parfaitement francophone, elle avait fait ses études à la Sorbonne et connaissait très bien la France. Elle me parla de son mari, avec qui elle avait travaillé avant de l'épouser. Chrétienne, elle s'était convertie à l'Islam et jouait, d'après ce que j'avais cru comprendre, un rôle politique clé auprès de lui. Elle se battait notamment pour développer le droit des femmes dans son pays. Je me souviens de sa joie d'être là, et aussi de ses yeux qui coulaient à cause d'un gros rhume et des flashes des photographes. Son maquillage en avait souffert, et j'avais sorti de mon sac un poudrier pour la repoudrer légèrement. Je me souviens de l'incongruité de la scène : la glace avait été tout de suite brisée. Nous descendîmes ensuite rejoindre les invités dans le salon de l'Horloge avant l'arrivée solennelle, et « aboyée », de « Monsieur le président du Conseil national de l'Organisation de la Libération de la Palestine... »
    La table, de quatre-vingts couverts, avait été dressée dans la grande salle à manger attenante au salon. Le protocole m'avait placée à côté de Yasser tandis que Suha était à côté d'Alain.
    C'est ainsi que

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