A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
je découvris son mari avec une curiosité amusée. Me revenaient en mémoire à cet instant précis mes souvenirs de petite fille saisissant au gré des journaux télévisés l'image antipathique d'un personnage pas vraiment fréquentable, vociférant dans une langue inconnue. Et je me retrouvais assise ce soir-là au côté d'un homme tout à fait civilisé, au visage chiffonné sous son traditionnel keffieh noir et blanc, avec sa courte barbe hirsute et de petits yeux bleu noisette délavé.
Lorsqu'il se leva pour répondre au toast prononcé par Alain, sa voix me rappela tout à coup un autre dîner officiel, auquel j'avais assisté à cette même place. L'invité d'honneur parlait alors une autre langue, mais d'une voix tout aussi chaude et grave. Lui aussi avait levé son verre à la France et à la Paix. C'était en juillet dernier. L'invité parlait hébreu. C'était le Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin.
Quelques mois plus tard, à Jérusalem, en français cette fois, une nouvelle voix chaude et caverneuse évoquera elle aussi cette paix, avec des mots qui résonnaient au fond de sa gorge et dans les tripes de toute l'assistance. Celle de Shimon Peres, le ministre israélien des Affaires étrangères.
«RECHERCHE LINGÈRE DÉSESPÉRÉMENT»
« Recherche lingère-secouriste ». Entendez « secouriste » non au sens médical du terme, mais au sens ménager : soigner les tissus, pas les corps... La petite annonce était parue dans plusieurs journaux professionnels et également dans Libération. Pour faire nettoyer, repasser, réparer, entretenir et surtout gérer l'impressionnant stock de linge (précieux et ordinaire) des Affaires étrangères, le Quai d'Orsay recherchait une professionnelle. Une lingère en chef, qui, assistée de deux lingères, remplacerait la précédente, partie depuis plusieurs mois.
Un concours eut donc lieu dans le courant du mois de janvier pour sélectionner la perle rare. Un concours en bonne et due forme, avec trois épreuves successives. Ce mardi, accompagnée de l'intendant, je descendis au sous-sol dans la lingerie pour jeter un coup
d'œil sur la deuxième épreuve, la partie pratique. Onze seulement sur la trentaine de candidates retenues avaient franchi le premier barrage : un test écrit de connaissance en textiles, produits chimiques, comptabilité et gestion.
Lorsque j'arrivai, chacune d'elles était plongée dans une des quatre épreuves figurant sur la feuille d'examen : repassage, chargement ou déchargement de machine à laver avec tri du linge, raccommodage, détachage (le sort leur avait assigné une tache d'encre ou de bougie ou de rouille ou de stylo-bille). L'ensemble des épreuves devait durer trois heures. La dernière étape, un entretien personnalisé avec un jury, devait permettre à ses cinq membres d'évaluer les motivations des candidates et de choisir enfin l'heureuse lauréate.
Le lundi suivant, je téléphonai pour connaître le nom de la gagnante. C'était l'une de celles qui avaient passé l'épreuve pratique le mercredi, une jeune femme munie d'un CAP de lingère-blanchisseuse, forte d'une expérience d'une dizaine d'années dans l'hôtellerie.
Quelques semaines plus tard, en lui rendant visite à la lingerie, je la trouvai en plein travail de réorganisation des stocks.
Elle allait avoir la haute main sur un véritable trésor : les pièces de linge du Quai
d'Orsay (des simples torchons aux nappes les plus fines en passant par les serviettes, rideaux, et autres draps) se comptent en effet par milliers...
Quelques semaines auparavant, en décembre je crois, c'est dans le salon des Beauvais que j'avais découvert quelques-unes des pièces les plus précieuses de ce patrimoine en dentelle. J'avais organisé une petite réception pour une dizaine d'ambassadrices récemment arrivées à Paris. Pour donner un peu de « chair » à ce « thé de dames », j'avais eu l'idée de demander à l'une de mes amies, qui venait de publier un livre sur l'histoire du linge de maison 2 , de venir en parler devant ces femmes. Parallèlement, j'avais demandé à Thierry, l'intendant du Quai d'Orsay, de sortir des placards et des tiroirs de la lingerie quelques-unes des pièces que personne ne voit plus guère. En effet, le nombre de réceptions est aujourd'hui restreint, et il n'est pas très facile de regarder une nappe à la loupe lorsqu'on est invité à un dîner officiel ! Sans compter la charge de travail (et le coût !) que représente
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