A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
voyages à l'étranger, les visites officielles, ou les simples déplacements, la sécurité, aux Etats-Unis est prioritaire, passe même avant le protocole.
Sur ce plan, la semaine onusienne aura été exemplaire. L'hôtel UN Plazza, transformé en bunker, était truffé d'officiers de sécurité à chaque étage et dans chaque ascenseur, lesquels étaient bloqués chaque fois qu'une personnalité montait. Alain eut droit à pas moins de sept hommes attachés à sa sécurité pendant la semaine. Six appartenaient au Secrétariat d'Etat (le ministère des Affaires étrangères), le septième était un marshall et relevait donc du ministère de la Justice. Sans compter bien sûr l'officier de sécurité français d'Alain, qui l'accompagne partout. L'un d'eux (en fait, ils se relayaient toutes les deux heures) faisait le guet vingt-quatre heures sur vingt-quatre devant la porte de notre chambre. En pleine nuit, je l'entendais qui éternuait à travers la porte, sûrement à cause de ce fichu air conditionné qui empoisonne l'atmosphère des grands hôtels américains. Trois ou quatre autres, à l'étage, communiquaient avec ceux qui étaient en bas dans les voitures. Pas un geste d'Alain ne leur échappait! Ils me faisaient penser à Starsky et Hutch : quand nous étions dans la rue, deux marchaient devant et deux derrière, aussi discrets que des éléphants dans un magasin de porcelaine, avec leur fil entortillé autour de l'oreille, qui passait par la
manche du veston et était relié à un petit micro. Quant à leur arme de service, dont j'ai oublié le calibre, elle déformait leur silhouette au niveau de la taille. Mais je dois avouer qu'en short, dans Central Park pour encadrer Alain faisant son jogging, ils ne manquaient pas de charme! Ils étaient d'ailleurs tous très sympathiques. Il paraît que quand Bill Clinton se déplace quelque part, ils sont une centaine à assurer sa sécurité! En France, le chef de l'Etat et le Premier ministre ont droit également, quand ils se déplacent, à de solides escadrons de gorilles, mais pas dans les mêmes proportions! Sans être moins efficaces, les Français sont moins obsédés que les Américains par les mesures de sécurité.
A Washington, au mois de mai précédent, en visite bilatérale, Alain avait déjà eu droit aux mêmes services. Nous avions d'ailleurs frôlé l'incident diplomatique le dimanche matin, en échappant quelques minutes à la surveillance des gardes du corps. Après être allés faire un jogging près de la résidence française le long du Potomac, nous étions allés à la messe dans une superbe église, en promettant à l'officier de sécurité français d'Alain de rentrer à l'ambassade pour midi, heure à laquelle les officiers américains devaient venir
nous chercher. En fait nous n'étions pas rentrés à midi, et l'inspecteur français, pressé de questions par ses homologues américains, avait bien été obligé d'avouer que nous étions partis à la messe! En plein negro spiritual, nous les avions entendus arriver sur les chapeaux de roues toutes sirènes hurlantes... A cause de notre insouciance, ils avaient failli perdre leur job.
La semaine à l'Onu se terminant, selon la tradition, par la soirée francophone, la quarante-huitième session n'avait pas échappé à la règle. Le dîner offert par la France étant, si j'ose dire, le must de cette première semaine, les pays faisaient, paraît-il, des pieds et des mains pour y être invités. Comme je devais l'apprendre quinze jours plus tard lors du Cinquième Sommet de la Francophonie à l'île Maurice, il existe aujourd'hui dans le monde quarante-sept pays qui « parlent » français ; « qui ont en commun l'usage du français », disait-on jusqu'à ce Cinquième Sommet, « qui ont le français en partage », dira-t-on dorénavant. A New York, ce soir-là, il s'agissait de promouvoir une fois de plus l'usage du français, particulièrement en tant que langue officielle des Nations unies, au même titre que l'anglais. Autant dire que ce combat ressemble
chaque jour davantage à celui de David contre Goliath, l'anglais prenant de plus en plus le pas sur le français, qui fut pourtant pendant des décennies la langue officielle de la diplomatie.
L'exercice réunissant les représentants de tous ces pays consistait aussi pour nous (et c'était une première pour moi) à accueillir un par un les quelque deux cent cinquante invités francophones. Postés en rang d'oignons à l'entrée
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