A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

d'expatriation provisoire qu'ils
acquièrent, souvent par comparaison, le sentiment d'appartenance à la France. Une de ces Françaises croisées à l'étranger m'a dit un jour, je ne sais plus dans quel pays: « Mes enfants ont découvert qu'ils étaient français en arrivant ici, avant ils pensaient n'être que des petits Parisiens. »
    Sont donc conviés à cette rencontre avec les représentants du pouvoir métropolitain, outre les diplomates et le personnel de l'ambassade, les investisseurs privés, les représentants des grandes entreprises françaises, un ou plusieurs membres du clergé, les professeurs du lycée français, les chercheurs des différents instituts culturels, les militaires... Certains sont dans le pays pour quelques années, d'autres installés pour beaucoup plus longtemps, la plupart se sont fait enregistrer dans les consulats à leur arrivée. La réception se déroule dans ce petit coin de territoire français que constituent les ambassades. La personnalité de passage fait une brève allocution au cours de laquelle elle salue en général la chance qu'ont « nos compatriotes de vivre dans un pays aussi magnifique et passionnant », sans méconnaître toutefois les « difficultés de la vie quotidienne» dans tel ou tel endroit du monde; elle encourage les investisseurs à investir, les enseignants
à enseigner, les chercheurs à chercher, les élèves à apprendre, les religieux à prêcher... A chacun, elle donne le vertige de se sentir « un peu le visage de la France ici au quotidien ». A tous, elle dit: « La France a besoin de vous. »
    C'est parfois également l'occasion de décorer un Français à l'étranger qui s'est particulièrement illustré dans tel ou tel domaine. C'est souvent l'occasion pour moi de rencontrer des gens intéressants. Je me souviens d'avoir croisé, à Amman, un scientifique spécialisé dans l'agriculture, qui avait réussi à mettre au point un système très sophistiqué dont j'ai hélas oublié le nom, pour économiser l'eau qui manque cruellement dans ces pays-là. Comment? Je crois qu'il s'agit de mesurer la quantité d'eau nécessaire au pied de chaque plante, afin de ne lui donner que ce dont elle a besoin, ce qui permet une économie de 50 %.
    A la fin du discours, et seulement quand l'hôte d'honneur est le président de la République ou le Premier ministre, toute l'assistance se tient bien droite pour écouter la Marseillaise, qui jaillit soit d'un affreux crin-crin, soit d'un matériel hifi haut de gamme, en fonction des ambassades... Ensuite petits fours et champagne achèvent, si je puis dire, de briser la glace.

    COURANTS D'AIR...
    Ce soir d'automne, nous étions au Châtelet, invités pour la première de Barbara. Un halo de lune dans la nuit. Les projecteurs découpent sur la scène un petit personnage tout de noir vêtu, mince silhouette d'oiseau qui se tord au bout d'un micro. Un jour ou peut-être une nuit, près d'un lac, elle s'était endormie. A soixante-trois ans, l'effet est encore magique. Cette voix qui craquelle toujours sur les notes et joue les aigus contre les graves. Elle articule de moins en moins, mais qu'importe puisqu'on connaît ses chansons par cœur.
    Dans le noir, main dans la main, le Gatt et l'Algérie sont loin. Je regarde autour de moi ces deux mille personnes électrisées par la voix sensuelle, suspendues aux lèvres de ce phénomène, mi-femme mi-aigle. Rideau. Il y aura je ne sais combien de rappels.
    Puis la pluie, et la voiture qui nous attend.
La chemise de télégrammes pour Alain est sur le siège arrière, qui apporte les dernières nouvelles tombées pendant le spectacle. La fête est finie.
    C'était une des « parenthèses détente » à deux, dans la vie d'Alain, comme il en existe quand même de temps en temps...
    « Vous vous voyez quand? » « Vous arrivez à vous croiser entre deux avions ? » « C'est pas trop dur cette vie de dingue ? » nous demandent fréquemment parents et amis. En fait, nous arrivons à nous voir plus que ce que les images de la télé ou la lecture des journaux ne le laissent penser. Mais il est quasiment impossible de tirer des plans sur la comète. De programmer l'avenir à une échéance supérieure à quelques heures. Et encore, tout peut être remis en question d'une minute à l'autre. Et un repas en famille être perturbé par quinze coups de téléphone parce qu'un dossier brûlant tout à coup rebondit. Une grande promenade sur la plage interrompue parce qu'il