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A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

Titel: A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Isabelle Juppé
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de la salle de réception, épaulés par l'ambassadeur auprès des Nations unies et sa femme, nous avons donc en conscience accompli notre tâche sans que je puisse m'empêcher de penser que la cérémonie ressemblait à des condoléances à la sortie de l'Eglise, triste mine à part. Ministres, ambassadeurs, princes, accompagnés le plus souvent d'épouses, se succédèrent pour échanger avec nous de courtoises poignées de main.
    Puis nous passâmes à table et eûmes droit, avant le premier coup de fourchette, à trois toasts. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi les tenants de la francophonie — il en existe encore un certain nombre — n'ont toujours pas inventé de mot français pour remplacer cet anglicisme déplacé de « toast ». Alain, puissance invitante, leva ainsi son verre
en prononçant les quelques mots rituels, suivi par le ministre des Affaires étrangères mauricien, hôte du Cinquième Sommet quelques jours plus tard. A tout seigneur tout honneur, ce fut au Secrétaire général des Nations unies de conclure. Boutros Boutros-Ghali, très en verve, s'exécuta brillamment, en faisant allusion à un précédent combat contre « l'autre langue » diplomatique qui menaçait le français au XVIII e siècle, à savoir... l'italien! Le dîner se déroula dans une atmosphère délicieusement surannée. Identique à celle que je retrouvai quinze jours plus tard à l'île Maurice, au cours de la soirée offerte par le Premier ministre mauricien Lord Jugnauth, en l'honneur des chefs d'Etat et de gouvernement des quarante-sept pays de la Francophonie qui se réunissaient pour la cinquième fois depuis la création de leur Conseil.
    Outil d'échange et de dialogue, la langue peut être également un sérieux obstacle à la communication. Quelles que soient les légitimes velléités des uns et des autres pour continuer à promouvoir l'usage du français contre vents et marées, ces mois passés dans les coulisses de la diplomatie ont achevé de me convaincre qu'il est aujourd'hui indispensable de parler anglais. Ou tout au moins de
connaître cette variété particulière d'anglais qui ne compte que quelques centaines de mots nécessaires au minimum de compréhension mutuelle sur les affaires du monde. Quelle langue parlent un Français et un Arabe pour se comprendre ou un Chinois et un Espagnol ? Ce « sabir anglais » bien évidemment, devenu la « lingua franca » de la communauté internationale. J'ai encore en mémoire ce dîner de l'Otan à Athènes, en juin dernier. A notre table, des Grecs, des Américains, des Danois, et le ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères assis à la gauche d'Alain. Il ne parlait pas un mot de français mais non plus un mot d'anglais. En dépit des quelques tentatives d'Alain pour communiquer, fût-ce avec des gestes, le pauvre homme n'a pas ouvert la bouche de toute la soirée. Certes, s'il avait été chef d'Etat ou s'il s'était agi d'un dîner ou d'un déjeuner de travail en petit comité, il aurait eu droit à un interprète. Mais pas dans ces circonstances, puisqu'il ne s'agissait que d'un souper informel à l'issue d'une journée de travail.
    J'en profite au passage pour tirer mon chapeau aux trois ou quatre interprètes réguliers du Quai d'Orsay, que j'ai rencontrés de nombreuses fois au cours de ces voyages.
J'ignorais les qualités requises pour exercer un tel métier, souvent très éprouvant. J'en ai découvert de multiples: le talent d'abord, la rigueur et la discrétion, beaucoup de dévouement et de disponibilité sans oublier l'humour et l'humilité.
    Autour du français ou de la francophonie, il existe un autre rite auquel mes voyages avec Alain m'ont initiée: c'est, au cours des déplacements officiels du président, du Premier ministre, ou d'un ministre, les rendez-vous avec les Français du pays visité, que l'on englobe sous le nom de communauté française. Toute visite dans un pays étranger comporte une réception de la communauté française, en début, en milieu ou en fin de parcours. Pour l'ambassadeur, et l'ambassadrice qui s'occupe des aspects matériels, cet événement est un moment clé de la visite ministérielle.
    Quelques dizaines, quelques centaines, quelques milliers dans le meilleur des cas, ces Français (qui sont plus d'un million dans le monde) n'ont souvent en commun qu'une même nation, une même langue, une même culture, mais leur éloignement de la terre natale les rapproche. C'est là, pendant cette expérience

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