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A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

Titel: A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Isabelle Juppé
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musique arrivant par la fenêtre et par la cheminée. Je me souviens par exemple de ce jeudi 7 octobre, où furent reçus au Palais
Bourbon le roi d'Espagne Juan Carlos et son épouse Sophie. J'en avais doublement profité...
    Quelques jours plus tard, le 12 octobre, ma cheminée m'offrit un autre type de concert. C'était l'Internationale, chantée par des manifestants qui défilaient dans le quartier. L'hôtel du ministre est en effet à la fois proche de la place des Invalides, de la rue de l'Université et du boulevard Saint-Germain. Rendez-vous ô combien stratégique pour les manifestants de tout poil...
    1 Le Quai d'Orsay, Marie Hamon-Jugnet et Catherine Oudin-Doglioni, Editions du Félin, 1991 (épuisé).
    2 Le Quai d'Orsay, op. cit.

Chapitre II
    L'Afrique du Sud en noir et blanc

    Dimanche soir.
    A l'instant où le train d'atterrissage a roulé sur la piste luisante de pluie, j'ai regardé ma montre. Pour noter dans mon petit carnet et ne rien oublier : 19 h 20, comme au Caire d'où nous arrivions, soit une heure de plus qu'à Paris où devait s'étirer encore le long cortège de la « manif-antirévision-loi Falloux ». L'œil collé au hublot, j'ai d'abord vu dans le lointain, engluée dans une fin d'orage d'été, une sorte de grande langue rose-parme qui léchait le ciel sud-africain déjà noir de nuit. J'ai eu du mal à me détacher de cette première vision... Puis tout est allé très vite. Comité d'accueil officiel, caméras, micros, photographes, journalistes se sont rués sur Alain. C'était la première visite d'un ministre des Affaires
étrangères français en Afrique du Sud depuis dix-huit ans. De plus la veille, à Alger, une fonctionnaire française du consulat avait été assassinée. Qu'allait faire la France?
    Le chef du protocole, un Afrikaner à la forte carrure, m'a conduite vers une voiture du cortège officiel, une grande Mercedes claire, qui portait le numéro 4 sur la vitre arrière. Ce serait « ma voiture » pendant tout le séjour. On me fit monter à gauche, et non à droite comme d'habitude, parce qu'ici, en Afrique du Sud, signe parmi d'autres de l'influence britannique, le volant est à droite et les voitures roulent à gauche.
    A côté du chauffeur prit place une créature blonde au teint transparent, avec de longs cils noirs recourbés et une fine bouche légèrement peinte. Silencieuse, énigmatique et translucide, elle ne me quittera pas les deux jours suivants. Contrairement à ce qu'auraient pu laisser croire au premier abord sa frêle silhouette et ses talons fins, son sac à main ne contenait sans doute pas que des objets féminins. Chargée d'assurer ma protection pendant tout le séjour, c'était en fait l'une des dix mille femmes policiers d'Afrique du Sud. La sécurité est une des obsessions de ce pays marqué par une violence extrême (le taux
d'homicides y est trois fois supérieur à celui des Etats-Unis) et mon « garde du corps » porterait le lendemain, à Soweto, sur sa robe d'été vert d'eau, un gilet pare-balles beige...
    Dans la voiture qui roulait maintenant vers l'ambassade de France à Pretoria, les portières se sont verrouillées automatiquement et les haut-parleurs diffusaient une musique sirupeuse à l'américaine. Nous étions le 16 janvier 1994. Trois mois plus tard, du 26 au 28 avril, les premières élections libres, démocratiques et ouvertes à tous, Noirs et Blancs, métis et Indiens, devaient avoir lieu dans ce pays où l'apartheid était officiellement aboli depuis trois ans.
    En parallèle au programme d'Alain, qui devait rencontrer les principales personnalités noires et blanches engagées aujourd'hui dans le processus démocratique, j'avais souhaité connaître cinq ou six personnes dont m'avait parlé Denis, mon professeur d'anglais à Paris, lui-même d'origine sud-africaine. Elles me feraient, m'avait-il dit, comprendre en deux jours et mieux que quiconque, la réalité et la complexité de ce pays qui était en train de vivre une vraie révolution. Révolution qui mettrait bientôt aux commandes de l'Etat un homme, noir, portant dans sa chair plus d'un
quart de siècle de prison, assisté de celui, blanc, dont il fut le prisonnier. Pour une première prise de contact, l'ambassadeur avait organisé un dîner informel avec deux personnalités indépendantes, le juge Richard Golstone, président de la « Commission permanente d'enquête sur la prévention de la violence publique et de l'intimidation », et Zach De Beer,

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