A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
les murs de la civilisation afrikaner, le regard et la voix d'un homme qui a lutté des années durant contre l'apartheid et qui, après vingt années d'exil, est de retour au pays natal. De Pretoria, il n'a connu que la prison centrale dans laquelle « ils » ont enterré sept années de sa vie... Il m'encourage à aller la voir. Ce que je ne pourrai pas faire, faute de temps. Grand, mince, fragile et fort à la fois, Hugh n'avait pas remis les pieds à Pretoria depuis ces longues années d'emprisonnement dont il a d'ailleurs tiré un livre : Bandiet, seven years in a South African prison. Je repense à Breyten Breytenbach et à son dernier livre Retour au paradis 1 . Il y explique comment, bien des années après sa libération de la prison centrale, il avait dû se rendre dans la capitale pour une conférence, mais ne voulait en aucun cas fouler ce « sol maudit ». Alors il était descendu dans un parking et avait pris l'ascenseur, pour ne pas effleurer la surface bitumée de Pretoria.
Hugh, sa barbe poivre et sel, son regard derrière des lunettes finement cerclées, son regard surtout, n'ont apparemment rien oublié, rien pardonné non plus, de ces années de honte. De retour à Johannesburg, il se lance aujourd'hui encore dans une nouvelle aventure pour la liberté en codirigeant l'Institute for the advancement of journalism, avec l'Université de Witwatersrand. Le rôle des media, après les élections, dans l'établissement de la future démocratie non raciale en Afrique du Sud sera évidemment crucial. Il importe donc dès aujourd'hui de former les journalistes aux règles d'indépendance, d'intégrité et de professionnalisme.
Lundi, 15 heures.
Soweto. C'est peut-être, après celui de Mandela, le nom le plus connu d'Afrique du Sud, y compris à l'extérieur des frontières.
SOWETO — South Western Townships — au sud-ouest de Johannesburg est un symbole historique à la fois de l'apartheid et du struggle (la lutte contre l'apartheid). C'est là, sur un terrain vague, qu'a été adoptée, en
1955, la Charte de la liberté de l'ANC. C'est là aussi qu'ont explosé les premières manifestations de 1976, réprimées dans le sang. C'est aussi le symbole de l'une des plus odieuses lois de l'apartheid, le Group Areas Act qui, en 1950, a organisé et systématisé la séparation des quartiers en fonction de la couleur des habitants. Soweto fut donc dès le départ une de ces townships qui, parmi des centaines d'autres, alignent des milliers de maisons-boîtes d'allumettes (on les appelle les match-boxes ) anonymes, ou encore les hostels, bâtiments sinistres pour travailleurs déplacés sans leur famille, le long de rues interminables et sans âme. La semaine précédant notre voyage, de la fenêtre d'un de ces hostels est partie une balle qui a tué net un journaliste.
Il paraît que moins de 1 % des Blancs d'Afrique du Sud ont mis les pieds dans une township. Depuis que les déplacements de population ne sont plus interdits, les habitants venus des campagnes s'entassent dans des squatter camps sordides. Aujourd'hui, Soweto est la plus grande ville sud-africaine, trois millions d'habitants, avec ses quartiers pauvres et ses quartiers riches, son journal, ses écoles et ses équipes de football, et même un golf... Un hôpital aussi, celui de Baragwanath,
un des plus performants, paraît-il, d'Afrique du Sud. C'est par là que devait commencer notre visite. Mais la manifestation zouloue avait quelque peu perturbé notre emploi du temps. De nombreux employés de l'hôpital avaient été empêchés d'aller travailler par les chauffeurs de taxi qui, zoulous pour la plupart, avaient semé la panique dans le quartier. On avait donc supprimé la visite du programme. Nous étions allés directement au Matla Trust, organisme fondé en avril 1991 par un juriste sud-africain pour venir en aide aux populations défavorisées : par des actions de charité, d'éducation, d'information, de promotion du développement d'une société démocratique. L'objectif est de former les populations des townships à l'aventure qui les attend pour la première fois de leur vie le 26 avril : les élections.
Comment ? Par un spectacle de théâtre. Ils sont une quinzaine de jeunes comédiens noirs, bourrés d'humour et d'énergie, à envahir tout d'un coup la scène, en riant, criant, dansant, mimant, racontant des histoires, interpellant la salle, pour enseigner au public les rudiments du vote : ce que démocratie et liberté
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