A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
président du parti démocratique. Pendant qu'ils nous initiaient tous deux aux bouleversements en cours, aux vents d'espoir et de violence qui simultanément soufflaient sur la vie quotidienne, je regardais derrière nous les serveurs noirs en livrée blanche qui nous passaient les plats.
Lundi matin.
Réveil sous le soleil dans l'hémisphère Sud. On m'avait dit que l'Afrique du Sud était à la fois le pays le plus violent de la planète et le plus beau. Les deux se sentent, se palpent, effectivement, comme des vibrations imperceptibles dans l'air.
Les célèbres jacarandas mauves qui illuminent les rues de Pretoria au mois d'octobre ont, en ce milieu d'été, déjà replié leurs fleurs.
La visite de la capitale administrative était au menu de ce début de matinée. La capitale parlementaire, elle, est Le Cap, ce qui oblige les différentes ambassades à migrer vers la ville du Sud au rythme des sessions six mois par an, pendant l'été austral, de janvier à juin. Mais, cette année, en raison des prochaines élections, il n'y avait pas de session, l'été se passerait donc, pour tous, à Pretoria. Dans ma visite, j'étais accompagnée par M. Bourgois, écrivain et « mari de l'ambassadeur », espèce assez rare dans le milieu diplomatique, puisqu'il n'y a en tout et pour tout que quatre ou cinq « ambassadeurs femmes » françaises...
La ville de Pretoria fut fondée en 1855 par les pionniers boers et elle doit son nom à leur général Andries Pretorius, dont le fils sera le premier président de la République sud-africaine. L'Union Building, notre premier arrêt, pas très loin de l'ambassade de France, abrite le siège du pouvoir exécutif, la présidence de la République et quelques ministères. Depuis le début du mois de janvier, le TEC (initiales anglaises de Conseil Exécutif Transitoire), chargé de préparer les élections, y a également installé ses pénates. C'est, paraît-il, le plus grand bâtiment du pays, symbole de l'Etat afrikaner. Dans l'après-midi, la pelouse qui
s'étend au pied de l'Union Building sera noire de monde. Quelques dizaines de milliers de Zoulous, armés de lances et pour certains de Kalachnikov, allaient venir manifester pour soutenir leur roi qui devait être reçu par le président Frederik De Klerk. Cela aurait pu être une manifestation pacifique, mais lorsque les Zoulous viennent en ville, il ne fait pas bon se trouver sur leur passage. La violence, hélas, est souvent au rendez-vous. Cette fois, il y aura une dizaine de morts.
Le monument aux Voortrekkers qui surplombe la ville et retrace l'épopée des pionniers boers (fermiers à l'origine) au cours de leur grande migration vers l'intérieur du pays pour fuir les Anglais est en effet d'ampleur monumentale...
Mon guide m'entraîna ensuite sur des chemins moins balisés, au coeur du quartier métis de Pretoria, où les Blancs se font plus rares.
Nous pénétrâmes dans un magasin de gris-gris où l'on vend toutes sortes de plantes et autres philtres d'amour destinés à éloigner le démon ou à ramener l'être aimé. Un peu plus loin, près d'un temple tamoul, certaines des boutiques — plus pittoresques les unes que les autres — portent encore l'écriteau « FOR NATIVES ONLY » (« réservé aux indigènes »).
A notre retour à l'ambassade, en fin de matinée, trois femmes noires attendaient. Les couleurs vives de leur costume traditionnel et de leurs bijoux, enroulés autour des jambes, des bras et du cou, s'harmonisaient avec le vert ensoleillé de la pelouse. Francina Ndimande, artiste ndebele, et ses deux filles, qui peignent les maisons de leur village de couleurs chatoyantes et géométriques, étaient venues faire une brève démonstration de leur talent. Dans un coin, un peu en retrait, assis sur un fauteuil à l'ombre, le mari, sorcier-médecin du roi de la tribu, ne bougera pas d'un pouce et n'ouvrira pas la bouche. Chez les Ndebele, installés dans la région du Transvaal, les artistes sont les femmes!
Lundi, midi.
C'est un restaurant au centre de Pretoria. Typiquement afrikaner, me dit-on. Dans un jardin, avec une succession de petits salons cosy. Interdit aux Noirs, avant, bien sûr. Nous (le mari de l'ambassadeur, le conseiller culturel et moi) avions rendez-vous avec Hugh Lewin, un écrivain-éditeur, auteur de nombreux livres pour enfants, de retour à
Johannesburg depuis dix-huit mois après un long séjour au Zimbabwe : mon deuxième choc de la journée. Après les pierres et
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