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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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étroites. Il nota avec surprise qu’elles étaient encore éclairées au gaz, alors que la plupart de celles autour du Vieux-Port l’étaient par des lampadaires électriques qui dispensaient une lumière blanche et froide.
    À la lueur vacillante des becs de gaz, il parvint tout juste à distinguer le nom de la rue située à deux pâtés de maisons de l’Opéra : rue Sainte. Les mots « rue » et « sainte » lui étaient familiers, mais il ne les avait jamais vus ainsi accolés. Il demeura un instant planté devant la plaque avant de faire demi-tour, car il venait de décider de se rendre dans un grand café occupant le coin du quai des Belges et du quai de Rive-Neuve. Il aimait bien s’installer à la terrasse pour regarder les passants et les consommateurs. Les soirées étaient à présent plutôt fraîches, mais de nombreux braseros brûlaient entre les tables et, de toute façon, après un été caniculaire, les Marseillais n’avaient rien contre un peu de fraîcheur.
    On était dimanche soir et, sauf autour du Vieux-Port, le calme régnait dans la ville. La rue Sainte ne faisait pas exception. Elle était déserte, et les portes et les volets étaient fermés. Au moment où il s’apprêtait à revenir sur ses pas, Charging Elk aperçut, un peu plus loin devant lui, trois ou quatre rectangles de lumière qui se découpaient dans la pénombre. Intrigué, il s’avança. La brise qui se levait désormais tous les soirs avait forci et soufflait de la mer. Charging Elk resserra d’une main son manteau à col de fourrure autour de lui et, de l’autre, maintint son feutre qui menaçait de s’envoler. Il n’aimait pas trop l’hiver dans cette ville portuaire – le vent, la pluie qui se transformait parfois en neige fondue, l’humidité qui faisait luire les pavés la nuit et qui se dissimulait dans le moindre recoin, même par les journées ensoleillées. C’était à cette époque de l’année que le Bastion lui manquait le plus. Il n’avait rien oublié des terribles blizzards, de l’épaisse couche de neige qui cantonnait les siens dans leurs tipis pendant des jours et des jours, mais il se remémorait surtout les journées où le soleil brillait, quand les membres de la tribu s’asseyaient devant les tentes et regardaient les enfants jouer à leurs jeux d’hiver. Strikes Plenty et lui s’installaient souvent avec quelques-uns des hommes sur les peaux couvrant le sol pour fumer et parler de tout sous le soleil. Ou bien, ils partaient vers les ravines et les canyons des Mauvaises Terres afin de faire prendre un peu d’exercice à leurs chevaux, tout en caressant l’espoir de débusquer un ou deux lapins ou même un cerf. Le souvenir de ces journées où le soleil leur chauffait le dos ne quittait jamais Charging Elk cependant qu’il subissait le froid et l’humidité de Marseille. Il aurait donné tout ce qu’il avait pour se retrouver là-bas.
    S’arrêtant devant la première porte ouverte, il chassa de son esprit ces images nostalgiques. Son regard engloba une salle étroite comportant d’un côté un long bar et de l’autre, quelques tables et chaises. C’était ce que René appelait un bar américain, parce que les gens, et en particulier les mauvais garçons, venaient y boire de l’alcool. Deux hommes étaient accoudés au comptoir, qui fumaient et buvaient de la bière. Une femme en tricot rayé très moulant se tenait derrière le bar et essuyait les verres avec un torchon. Elle avait les cheveux relevés sur la tête, mais des mèches qui s’échappaient de son chignon venaient lui effleurer la nuque et les oreilles. Charging Elk l’examina un instant, fasciné par le tricot de marin – jamais il n’avait vu une femme porter un vêtement aussi osé –, puis il repartit.
    L’établissement suivant était la réplique du premier, sinon qu’il n’y avait pas de clients et que le barman – un petit homme trapu affublé de petites lunettes à monture de fer – sur le comptoir à côté de lui. Charging Elk eut un instant la tentation d’entrer boire un verre de vin, mais il n’aimait guère les chats. Ils infestaient le Panier, miaulant et se battant presque tous les soirs. Le matin, quand il partait travailler, il les voyait qui, tapis dans les embrasures de portes ou sur les rebords des fenêtres, l’observaient. La manière qu’ils avaient de le regarder ne lui plaisait pas du tout.
    Il se dirigea à pas vifs vers la troisième porte, devant laquelle était

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