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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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lequel les avait prévenus qu’ils risquaient d’attraper des maladies et aussi de se faire dévaliser par les « hommes » de ces femmes, quelques-uns étaient montés. À leur arrivée à Paris, Buffalo Bill en personne avait fait un discours sur les tentations de la grande ville. Il avait raconté l’histoire d’un Indien, un Shyela, qui avait été avec l’une de ces « putains » à Londres, la grande ville de Grand-Mère, et qui, en revenant, n’était plus qu’un sac d’os couvert de plaies. On l’avait enterré quelques jours plus tard dans le pays de Grand-Mère. Ses bras et ses jambes s’étaient complètement dissous.
    Le jeune Oglala se trouvait donc devant ces mêmes putains qui transmettaient aux hommes d’horribles maladies. Pourtant, elles avaient l’air tout à fait charmantes. Elles ressemblaient aux jeunes femmes qu’il désirait le jour et dont il rêvait la nuit. À cet instant, l’une d’entre elles écarta les pans de son déshabillé bleu et tourna lentement sur elle-même. Elle ne portait en dessous qu’un petit caraco blanc, des bas noirs et des bottines à lacets. Lorsqu’elle lui fit face, il distingua le renflement de ses seins au-dessus du liseré de dentelle du caraco et la chair blanche de ses cuisses tranchant sur les jarretières rouges. Il déglutit, tandis qu’une érection venait tendre le tissu de son pantalon. Elle n’avait guère dépassé l’âge de l’adolescence, mais ses formes étaient pleines et son visage était joli sous la masse de boucles brunes qui cascadaient sur ses épaules. Elle avait le front ceint d’un bandeau de velours noir et des lèvres peintes d’un rouge sombre. Charging Elk se disait qu’il n’avait jamais contemplé tableau plus magnifique que cette fille à moitié nue aux cuisses amples. À Paris, il avait vu des photographies de femmes blanches nues qu’on achetait dans les kiosques. Featherman en possédait toute une collection qu’il permettait de regarder en échange de quelques centimes. Les jeunes Indiens faisaient circuler les photographies, s’émerveillant devant la chair pâle de ces femmes.
    Embarrassé par son état, Charging Elk jeta un coup d’œil inquiet autour de lui. La rue, heureusement, était toujours déserte. Quand il regarda de nouveau par la fenêtre, deux des filles avaient pris place à côté des hommes, tandis que les trois autres, dont celle qu’il avait trouvée si séduisante, se dirigeaient vers le rideau par où elles étaient entrées. Elles marchaient avec la même lenteur et le même air vaincu que tout à l’heure. Charging Elk les suivit des yeux jusqu’à ce que le déshabillé bleu eût disparu derrière la tenture.
    Il était triste de ne plus la voir. Il l’avait désirée avec tant de force qu’il se figurait presque goûter sa chair crémeuse comme l’on goûte une glace à la vanille parune chaude journée d’août. Il éprouvait l’envie irrésistible de la lécher… et de la baiser. Machinalement, il baissa les yeux, mais son érection était dissimulée par l’épais manteau de laine. La baiser ! Il étouffa un rire. « Baiser » était l’un des mots qu’il avait appris à Paris. La plupart des jeunes Indiens, que ce soit pendant qu’ils jouaient aux cartes ou pendant qu’ils attendaient en selle sur leurs chevaux le moment d’entrer en piste, parlaient de baiser. Ils se vantaient, bien entendu. En présence des femmes blanches, ils se montraient réservés et même un peu craintifs.
    Charging Elk repensa alors à la jeune femme de Paris, celle qui se prénommait Sandrine. Il savait à présent que c’était une personne sainte et que la carte qu’elle lui avait donnée était une image de Jésus, le sauveur des wasichus. Il les avait sauvés en leur disant de vénérer son père appelé Dieu Tout-Puissant qui, selon Sees Twice, possédait plus de pouvoir encore que Wakan Tanka. Sur le moment, il n’avait pas cru Sees Twice, mais maintenant, il commençait à se poser des questions. Après tout, les wasichus régnaient sur le monde.
    Sandrine. Il essaya de se la représenter dans son cante iste ce jour-là au bord du lac, vêtue de sa robe toute simple et coiffée de son bonnet, mais l’image qui lui revint en mémoire fut celle de la stricte robe grise et du chapeau surmonté de la tête de canard. Longtemps, il avait été persuadé qu’il ne l’oublierait jamais, or il s’apercevait à présent avec un léger sentiment de honte qu’il

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