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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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yeux, il la fixa un instant, s’attardant une fraction de seconde sur son visage au profil pur, ses yeux vert glacier. Elle lui sourit. Le cœur du jeune homme fit un bond dans sa poitrine. Il pénétra vivement dans la tente. Quand il ressortit, ajustant les plumes de sa coiffe, elle avait disparu.
    Quatre sommeils plus tard, elle était de retour. Charging Elk les avait comptés, car elle lui avait manifesté une attention qui tranchait par rapport à la curiosité impudente dont faisaient preuve les autres Françaises. Il appréciait la façon dont elle l’avait regardé de même que le sourire dont elle l’avait gratifié ensuite et qu’il revoyait souvent en pensée. Trois sommeils durant, il avait porté sa chemise de satinette noire avec ses bracelets en cuivre aux bras et aux poignets, le plastron de son père, un gilet brodé de perles et les boucles d’oreilles en argent de Cuts No Rope qu’il lui avait gagnées au poker. Les cheveux soigneusement nattés et noués par de la peau de loutre et des rubans rouges, il l’attendait, adoptant diverses attitudes dégagées, destinées à bien montrer son indifférence.
    Le quatrième sommeil, croyant qu’elle ne reviendrait plus, il passa sa chemise de calicot élimée, un pantalon d’homme blanc qui godait aux genoux et un gilet noir. Quant à ses cheveux tressés, ils étaient simplement attachés par des lanières de cuir brut. Il avait régné une chaleur humide qui l’amenait à regretter le grand air des plaines et il était fatigué. Les galopades et les simulacres de combat auxquels il se livrait depuis les trois lunes qu’ils étaient à Paris commençaient à peser sur ses jeunes muscles.
    Après la représentation de l’après-midi, il joua aux dominos avec Featherman. Il n’y aurait pas de spectacle en soirée, car c’était le jour où les w asichus se rendaient dans leurs maisons sacrées, se reposaient et faisaient de longs repas chez eux. Plusieurs membres de la troupe devaient aller visiter la ville en compagnie de Broncho Billy. Bien qu’épuisé, Charging Elk se réjouissait à l’idée de manger dans une brasserie où, disait-on, on trouvait de la viande de bœuf américaine.
    Alors qu’il réfléchissait au coup suivant, il sentit plus qu’il ne vit une ombre s’étendre sur son visage et sa main. Il pensa qu’il s’agissait d’un Indien de la troupe qui s’était approché pour étudier la partie, mais quand il leva la tête, agacé d’être ainsi dérangé, ses yeux rencontrèrent le profil pur de la jeune femme qui le regardait, coiffée d’un simple bonnet blanc.
    Il sauta sur ses pieds, sans plus se préoccuper de ses muscles douloureux, et elle eut un mouvement de recul involontaire cependant qu’elle émettait un son qui, il le savait, n’était pas un mot mais une exclamation. Il mesurait une bonne tête de plus qu’elle, et elle paraissait effrayée par sa grande taille. Le temps qu’il le comprenne, elle s’était ressaisie. Elle fit un pas en avant, la main tendue. C’était une petite main couverte d’un gant blanc à dentelles qui laissait les doigts libres. Ses ongles minuscules brillaient, et sa peau était lisse, même autour des jointures. Charging Elk ne savait quelle contenance adopter. Il avait vu des hommes embrasser la main d’une femme ou bien la prendre délicatement et s’incliner. L’un comme l’autre de ces gestes lui semblaient trop démonstratifs, et il ne voulait pas lui serrer la main à la manière des hommes entre eux, aussi il se contenta de l’effleurer du bout de ses doigts à la peau brune, sans toutefois quitter le bonnet blanc des yeux.
    Elle retira sa main qu’elle posa juste au-dessus de ses seins et dit : « Je suis Sandrine. » Charging Elk suivit du regard le mouvement de ses lèvres qui avaient la couleur de l’aubépine. « Sandrine, reprit-elle. Moi. »
    Featherman intervint alors : « C’est son nom, je crois. Sandrine. Il faut que tu lui dises le tien. En américain. »
    Charging Elk se tourna vers la jeune femme et, se désignant, il dit : « Charging Elk. »
    Elle répéta une fois : « Charging Elk. » Puis une seconde fois. La première partie de son nom coulait doucement, mais le « Elk » sonnait de manière catégorique. Jamais il ne l’avait entendu prononcé ainsi. « Sandrine », dit-il, la montrant du doigt. Il plaqua son poing sur sa poitrine. « Charging Elk. » Dans la chaleur étouffante de l’après-midi, il entendit

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