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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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s’appelait Guy Vaugirard et c’était le chef de la police. Lui non plus ne dissimulait pas sa contrariété d’avoir été réveillé au milieu de la nuit pour une affaire aussi banale après un agréable réveillon passé en compagnie de ses petits-enfants. D’un ton ferme, il prononça quelques paroles brèves à l’intention du sergent qui claqua des talons et s’empressa de sortir. On entendit ses pas précipités s’éloigner dans le couloir, puis sa voix qui s’élevait tandis qu’il s’adressait avec autorité au policier de permanence.
    « Pour quel motif cet homme est-il détenu ? » demanda Bell d’un ton légèrement agressif encore qu’empreint d’une note de prudence. Il n’ignorait pas que Vaugirard, héros de la guerre désastreuse contre la Prusse, bénéficiait du soutien des conservateurs de la Troisième République. Mais Bell était furieux qu’on eût appréhendé un Américain et, dans le même temps, il se sentait un peu coupable de ne pas avoir pris contact plus tôt avec le show de Buffalo Bill. Il avait attendu trois jours avant de câbler à Barcelone – il était confronté à un problème plus urgent à propos d’un désaccord entre un fabricant de savon marseillais et un distributeur américain –, mais à ce moment-là, la troupe s’était déjà embarquée pour Rome et Charging Elk, sorti sans prévenir de l’hôpital, avait disparu. Bell n’avait pas manqué d’être étonné que l’Indien, atteint par la grippe et, de surcroît, affligé de deux côtes cassées, eût pu ainsi s’évanouir dans la nature en l’espace de quatre jours. En revanche, il n’avait nullement été étonné que la police l’arrêtât à la première occasion. Il semblerait donc que Charging Elk eût commis un délit quelconque.
    Vaugirard ouvrit un petit étui en cuir et offrit à Bell un de ses minces cigares noirs. « Non, merci », dit le vice-consul qui regarda le chef allumer le sien à l’aide d’un briquet en argent. Il se tourna ensuite vers Charging Elk qui avait les yeux fixés sur le cigare. Saisi d’une impulsion, il reprit : « Vous devriez peut-être en proposer un à votre invité. »
    Le policier se contenta de rempocher son étui et son briquet. Le sergent revint alors dans la pièce. « On apporte tout de suite de quoi manger, déclara-t-il.
    — Pourquoi cet Américain est-il détenu ?
    — Pour vagabondage, monsieur le Vice-Consul, répondit le sergent. Nous l’avons trouvé qui errait place Saint-Victor devant la basilique. Il avait un comportement suspect et il n’avait pas de papiers. Mon homme a agi conformément à la loi. »
    Bell avait fini par s’habituer à la loi en question depuis qu’il était en poste à Marseille. L’un des aspects désagréables de sa fonction consistait précisément à s’occuper de citoyens américains, en général des marins, qui enfreignaient ladite loi. En vertu du Code Napoléon, ils étaient considérés comme coupables tant qu’ils n’avaient pas prouvé leur innocence. Malheureusement, le système français se révélait tout aussi rigide que l’américain. « Vous lui avez demandé ses papiers ?
    — Bien sûr, monsieur le Vice-Consul. Nous avons appliqué le règlement à la lettre.
    — Et cet homme a-t-il compris ce qu’on lui demandait ?
    — Je ne vous suis pas, monsieur…
    — Et vous, le comprenez-vous ?
    — Mais il n’a rien dit, pas un mot…
    — Cet homme, Charging Elk, est un membre éminent de la troupe du Wild West Show de Buffalo Bill. Peut-être avez-vous assisté à l’une de ses représentations avec votre famille ? Ou lu quelque chose dans les journaux à ce sujet ?
    —  Oui, en effet, monsieur le Vice-Consul. Je n’ai pas eu l’honneur d’y assister en personne, mais mon beau-frère…
    — Monsieur Charging Elk est un important citoyen américain. Il est tombé malade au cours d’une représentation et a dû être hospitalisé. Lorsque la troupe est partie pour l’Espagne, il était encore à l’hôpital. Je m’occupais de lui trouver un moyen de la rejoindre quand on m’a informé de son arrestation. » Bell se sentait mal à l’aise dans cette petite pièce nue. Il y était déjà venu pour tenter de faire libérer un marin afin qu’il puisse repartir le lendemain avec son bateau, mais il n’avait pas réussi. Le marin, après avoir comparu devant le tribunal pour ivresse sur la voie publique et destruction de biens, avait été condamné

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