Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
Vom Netzwerk:
faire la connaissance de votre pupille ? C’est un sacré personnage – encore que, m’a-t-on rapporté, il mange comme un cheval. Il a dévoré un poulet entier à lui tout seul. »
    Madeleine Soulas resta interloquée devant tant de familiarité. Elle était par ailleurs gênée qu’il se fût ainsi adressé directement à elle. Confuse, elle consulta son mari du regard. Elle n’était pas particulièrement timide et elle ne manquait pas de ressources – elle vendait le poisson aux côtés de René, bien qu’elle évitât de se mêler aux plaisanteries et aux insultes qu’échangeaient tant d’autres femmes du marché. Mais cet homme, cet Américain, se montrait par trop cavalier pour un étranger.
    « Oui, naturellement, nous aimerions voir Charging Elk, monsieur Bell, mais ne pourriez-vous pas d’abord nous en apprendre davantage à son sujet ? » René jeta un coup d’œil anxieux à son épouse, puis il reprit à l’intention de l’Américain : « J’ai cru comprendre qu’il ne parlait ni français, ni américain.
    — Ce n’est que trop exact, monsieur. Il sait cependant quelques mots d’anglais – Buffalo Bill, Wild West et, bien entendu, son propre nom, Charging Elk. Il parle la langue sioux, mais malheureusement, je n’ai pas réussi à trouver d’interprète. Et je ne pense pas que j’en trouverai. » Il eut une mimique de regret. « Je crains que tous les Sioux et leurs interprètes soient partis avec le Wild West Show.
    — Dans ce cas, pourquoi ne pas l’envoyer les rejoindre ? » Les mots avaient instinctivement jailli de la bouche de madame Soulas. Elle sentit de nouveau ses joues lui cuire.
    Bell la considéra un instant, affichant involontairement une expression où se lisait un mélange de contrariété et d’amusement. « Excellente question, madame. Excellente. Que je me suis du reste moi-même posée. Seulement, voyez-vous, madame…» Il s’interrompit et se tourna vers le capitaine. « J’ai bien peur que votre administration n’autorise pas monsieur Charging Elk à quitter le pays. Au début, parce qu’il devait comparaître devant un tribunal pour répondre de menus délits. Ce qu’il a fait. Et maintenant, on l’accuse d’être entré illégalement sur le territoire français, car il n’est pas citoyen des États-Unis et ne possède pas de passeport en règle, de sorte qu’il doit demeurer ici en attendant que la justice se prononce sur son cas.
    — C’est la loi, madame Soulas, intervint le capitaine. Si nous ne surveillions pas nos frontières, la France serait envahie d’indésirables.
    — Il ne sera donc jamais autorisé à rentrer chez lui ? » René semblait sidéré qu’on puisse ainsi interdire à un être humain qui n’avait apparemment commis aucun crime de regagner son pays.
    Le capitaine haussa les épaules. « Je ne suis qu’un représentant de la loi, monsieur. Je dépends d’une autorité supérieure et j’ignore quelle décision sera prise en cette affaire.
    — Mais dans le cas qui nous occupe, il s’agit d’une injustice, capitaine. Le Peau-Rouge est bien citoyen américain. C’est même un Américain d’origine. Buffalo Bill nous l’a expliqué. »
    Le capitaine, lui aussi, avait assisté à une représentation du Wild West Show et il avait entendu le discours à propos des Américains d’origine, les Indiens. Sur le moment, il avait estimé que ce devait être vrai, mais le gouvernement venait de décréter que les Indiens n’étaient pas de véritables citoyens de leur pays, ce qui devait donc être également vrai. Tout cela était fort déroutant, mais il avait la responsabilité de faire appliquer les lois de son pays. Il allait de nouveau hausser les épaules quand l’ Américain s’interposa.
    « Nous finirons bien par régler le problème. Soyez assurés, monsieur, madame, que monsieur Charging Elk ne demeurera chez vous que pour une période très brève. Il ne tardera pas à recevoir l’autorisation de rejoindre son peuple, et nous pourrons tous reprendre le cours normal de notre existence. Entre-temps, permettez-moi, au nom de mon gouvernement, de vous remercier pour votre générosité. » Il se tourna vers le capitaine. « Puis-je introduire notre compatriote, à présent ? »
    Madeleine Soulas se sentait un peu ridicule à remonter ainsi la Canebière à bord de cette luxueuse calèche, et elle espérait de toutes ses forces qu’en cette fin de matinée aucune de ses amies ne se

Weitere Kostenlose Bücher