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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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le faire puisqu'ils se voyaient chaque
matin. Maintenant, les choses allaient changer. Même si se parler dans la
cuisine au milieu de tant de personnes aux écoutes n'avait rien d'attirant,
elle devait s'y résigner si elle ne voulait pas que son Serge lui échappe.
     
    Denise venait à
peine de disparaître dans sa chambre que Gilles entrait dans l'appartement.
     
    — T'arrive donc
ben tard, lui fit remarquer sa mère. Il est proche neuf heures et demie.
     
    — Oui, je le
sais. Tougas m'a demandé de l'aider à nettoyer le plancher avant de partir, il
y a quelqu'un qui a brisé deux bouteilles de liqueur. Le plancher était tout
collant.
     
    — Tu ferais ben
mieux de te trouver une job comme la mienne, le nargua Richard. A4oi, je
travaille juste le samedi et je gagne presque autant d'argent que toi et tu
travailles le jeudi soir, le vendredi soir et le samedi toute la journée.
     
    — Laisse faire,
le fin finaud, le réprimanda sa mère. Tu sais même pas combien de temps tu vas
la garder, cette job-là.
     
    — J'ai pas vu
Denise, reprit Gilles. Elle est pas venue me chercher à la grocery et elle m'a
pas attendu.
     
    — Non. Elle est
déjà arrivée. Elle était trop fatiguée pour t'attendre, se contenta de lui dire
sa mère.
     
    Chapitre 21 Un
malheur L'hiver 1953 ne se décida à desserrer son étau sur la métropole qu'au
début de la première semaine d'avril, quelques jours à peine avant Pâques.
Après de lourdes giboulées qui avaient permis aux enfants du quartier de se livrer
à de violentes batailles de boules de neige, le soleil avait enfin dardé
quelques chauds rayons certains après-midi.
     
    La neige prit
bientôt une teinte grisâtre et les déchets qu'elle avait si adroitement
dissimulés durant tout l'hiver refirent surface en dégageant bien souvent des
odeurs désagréables.
     
    Ce réchauffement
progressif de la température incita les jeunes à envahir les rues Emmett et
Archambault après les heures de classe. Armés de pics et de pelles, ils
s'acharnèrent à creuser des rigoles jusqu'aux caniveaux pour mieux permettre
l'écoulement de l'eau. Ensuite, entraînés par leur désir de voir disparaître
toute la glace accumulée sur les trottoirs et la chaussée, ils entreprirent de
la casser pour en hâter la fonte. Maintenant, les plus jeunes devaient se
dépêcher de quitter la maison tôt le matin pour avoir le plaisir de briser à
coups de talon la mince pellicule qui s'était formée sur la moindre flaque
durant la nuit.
     
    Ce matin-là, au
moment où son mari s'apprêtait à partir pour la Dominion Rubber, Laurette lui
tendit un sac brun contenant son repas du midi. Ce dernier avait le 499 visage
blafard et de larges cernes sous les yeux. Il avait l'air épuisé avant même de
commencer sa journée de travail.
     
    En le voyant dans
cet état, un éclair d'inquiétude traversa le regard de la femme qui s'efforça
de mettre une joyeuse animation dans sa voix, comme si cela avait pu donner du
tonus à son mari.
     
    — J'ai ouvert la
porte tout à l'heure pendant que tu t'habillais. Je crois ben que le printemps
est presque arrivé. Si ça continue à fondre comme ça, on va pouvoir faire le
grand ménage et ôter enfin les châssis doubles. Je commence à avoir hâte de
respirer un peu d'air, moi.
     
    — Il est encore
pas mal de bonne heure, lui fit remarquer Gérard en boutonnant son manteau. On
peut encore avoir de la neige.
     
    Sur ces mots,
l'homme l'embrassa distraitement sur une joue et sortit de l'appartement.
Laurette le regarda aller par la fenêtre de la porte. Encore une fois, elle eut
un pincement au coeur. Il lui semblait encore plus voûté et plus mince que la
semaine précédente, dans son paletot d'hiver élimé.
     
    — Pauvre vieux!
le plaignit-elle à haute voix. Sa grippe l'a pas mal magané. Il est temps que
l'hiver finisse pour qu'il puisse se raplomber.
     
    Jean-Louis
apparut dans la cuisine, l'air mal réveillé et assez bougon.
     
    — Est-ce que
c'est p'pa qui vient de partir? demanda-t-il à sa mère.
     
    — Qui veux-tu que
ce soit?
     
    — M'man, il va
falloir faire quelque chose, se plaignit le jeune homme en s'emparant de la
bouilloire dans l'intention d'aller faire sa toilette dans la salle de bain.
     
    — De quoi tu
parles? lui demanda sa mère, intriguée.
     
    — Je parle de
p'pa. C'est rendu que ça a pas d'allure.
     
    Il tousse
tellement la nuit que je l'entends dans ma chambre.
     
    500
     
    Il m'a encore
réveillé

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