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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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COMMENTAIRE DÉSOBLIGEANT boeuf haché qui entrerait dans
la confection de son pâté chinois. Peu après, Gilles les imita en tendant un
dollar et quart à sa mère. Laurette, d'humeur toujours ronchonne, l'arrêta net
au moment où il tournait les talons.
     
    — Whow! Il manque
vingt-cinq cents.
     
    — Non, m'man.
C'est la moitié de ce que le bonhomme Tougas m'a donné.
     
     
     
    — Comment ça, la
moitié? T'as travaillé hier soir et toute la journée aujourd'hui. Ça fait trois
piastres pas deux piastres et demie.
     
    — Il m'a donné juste
deux piastres et demie. Il m'a dit que j'ai pas porté des commandes toute la
soirée hier parce qu'il mouillait. Ça fait qu'il m'a payé juste cinquante cents
pour hier soir.
     
    — Tu parles d'un
écoeurant! s'exclama sa mère. Attends que je lui parle dans la face, lui!
ajouta-t-elle, mauvaise. Si c'est pas profiter du pauvre monde, je me demande
ben ce que c'est.
     
    — C'est ça,
m'man, allez l'engueuler. Comme ça, il va me sacrer dehors et j'aurai plus
d'ouvrage.
     
    — T'as eu au
moins des tips, reprit sa mère, retrouvant un ton plus calme.
     
    — Vingt cennes,
mentit Gilles qui avait reçu trois fois plus de pourboires.
     
    — Dépense pas cet
argent-là pour toutes sortes de niaiseries, tu m'entends? L'école commence dans
deux semaines et tu vas en avoir besoin pour payer tes affaires.
     
    — Quelles
affaires?
     
    — Tu vas avoir
besoin de souliers neufs, de cahiers, de crayons, d'une règle, de plumes...
     
    — Parce que c'est
moi qui vais être obligé de payer tout ça? s'exclama Gilles, outré.
     
    — C'est normal,
non? Toutes ces affaires-là, c'est toi qui vas t'en servir, répliqua sa mère
sur un ton définitif.
     
    79 CHÈRK LAURETTK
     
    — Avoir su,
j'aurais fait comme Richard et j'aurais passé mon été à jouer.
     
    — T'es plus vieux
que lui, lui fit remarquer sa mère.
     
    — J'ai juste un
an de plus que lui.
     
    — C'est ça,
acquiesça-t-elle. L'année passée, t'as joué pendant tout ton été. Cet été, t'as
travaillé juste un peu pour nous aider. Ici dedans, tout le monde fait sa part.
     
    Peu convaincu de
la justesse des vues de sa mère, l'adolescent, de mauvaise humeur, gagna sa
chambre où il retrouva Richard, étalé sur la vieille couverture grise utilisée
comme couvre-lit. Il trouvait injuste d'avoir à payer avec son argent des
choses que ses parents avaient toujours achetées pour lui.
     
    Depuis le début
des vacances, il ne rêvait que d'une chemise blanche et d'un pull-over vert
bouteille exposés dans la vitrine d'un magasin de vêtements pour hommes situé
sur la rue Sainte-Catherine, près de Papineau. Il n'y avait pas eu une semaine
où il ne s'était pas arrêté devant cette vitrine pour admirer cet ensemble
qu'il jugeait des plus chics. Cent fois, il s'était imaginé paradant, ainsi
vêtu, rue Archambault. Il ne faisait aucun doute dans son esprit que la belle
Nicole Frappier allait le trouver absolument irrésistible en le voyant aussi
bien habillé.
     
    — Moi, je suis
écoeuré! dit-il à son jeune frère en se laissant tomber sur le lit. Tout mon
argent va servir juste à acheter des affaires d'école, à cette heure.
     
    — Au moins, toi,
t'as un peu d'argent, lui fit remarquer Richard, qui n'avait jamais un sou en
poche.
     
    — À part ça,
qu'est-ce que tu fais là? lui demanda Gilles, peu habitué à le voir à ne rien
faire à cette heure de la journée.
     
    — J'attends le
souper, répondit l'autre en lui indiquant du menton leur grand frère Jean-Louis
qui leur tournait le dos dans la chambre voisine.
     
    80 UN COMMENTAIRE
DÉSOBLIGEANT
     
    — Qu'est-ce qu'il
fait? chuchota Gilles.
     
    — Devine, fit
Richard, narquois. Il compte son argent, comme tous les maudits samedis soirs.
Ça fait peut-être dix fois qu'il le recompte. Notre gratteux doit penser qu'il
s'en est fait voler, ajouta-t-il. Un vrai serre-la-cenne! Aux yeux de ses
jeunes frères, l'aîné était un pingre de la pire espèce. Il ne dépensait jamais
un cent sans avoir une raison impérieuse de le faire. Il ne fumait pas et ne
s'offrait jamais une sortie. Il ressemblait de plus en plus à l'écureuil
inquiet dont l'unique plaisir consiste à faire des provisions.
     
    Les vêtements
étaient les seules dépenses qu'il s'autorisait.
     
    Quand quelqu'un
l'approchait pour un petit emprunt, il déclarait tout net ne pas avoir un sou à
prêter. Ses billets de tramway et sa pension représentaient

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