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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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patate frite, un morceau de gâteau au chocolat et un Coke.
     
    Quand la serveuse
déposa devant elle un verre de Coke et une assiette de frites quelques minutes
plus tard, Laurette ne put s'empêcher de s'exclamer:
     
    — Maudit verrat,
il y en a pas gros! La jeune femme se contenta de lever les épaules avant de
s'éloigner.
     
    73
     
    — Elle, cette
maudite air bête là, elle aura pas un gros tip, se dit Laurette, vindicative.
     
    La serveuse ne
revint vers sa cliente grincheuse que quelques minutes plus tard pour lui
laisser une portion fort respectable de gâteau et l'addition.
     
    Laurette nettoya
consciencieusement son assiette.
     
    Quand elle quitta
la table pour aller régler son addition, elle ne laissa en pourboire que cinq
cents.
     
    — Ça leur
apprendra à voler le monde, se dit-elle. Il y avait presque rien dans mon
assiette.
     
    Elle sortit du
restaurant avec l'impression de n'avoir rien mangé, d'avoir le ventre vide.
Cela la rendit encore plus hargneuse. Le soleil à son zénith dardait maintenant
ses rayons sur l'asphalte et la chaleur avait singulièrement augmenté en moins
d'une heure. À présent, la rue Sainte- Catherine était sillonnée par des
tramways bondés de passagers dont les conducteurs ne cessaient de faire sonner
la cloche pour mettre en garde les automobilistes trop téméraires qui venaient
leur couper la voie. Des piétons se glissaient entre les véhicules pour
traverser la rue, accompagnés par un concert de coups d'avertisseurs rageurs.
Un peu étourdie par tout ce bruit, Laurette s'immobilisa un moment avant de se
mettre en route.
     
    — Bonyeu, j'ai
presque rien mangé! Ça me surprendrait pas pantoute que j'aie commencé à perdre
du poids, se dit-elle pour se remonter le moral. Il me semble que je me sens
déjà moins pesante. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que je suis ben trop
faible pour passer mon après-midi à magasiner comme d'habitude.
     
    Elle s'arrêta
brusquement au coin de Saint-Denis, incapable de décider si elle poursuivait sa
tournée des magasins ou si elle rentrait. Quand elle se rendit compte que les
badauds devaient la contourner pour poursuivre leur route, elle se rapprocha
d'une vitrine 74 UN COMMENTAIRE DÉSOBLIGEANT qui lui renvoya son image. Elle y
jeta un bref regard en biais.
     
    — Viarge! Ça
paraît même pas! murmura-t-elle, déçue de constater le peu de changement
provoqué par la privation qu'elle venait de s'imposer.
     
    La mère de
famille décida alors de rentrer chez elle, même si l'après-midi venait à peine
de commencer.
     
    Elle traversa la
rue Sainte-Catherine et attendit durant quelques minutes le tramway qui allait
la ramener dans l'est de la ville. Les usagers furent nombreux à le prendre
d'assaut lorsqu'il s'immobilisa en grinçant au milieu de la rue. Laurette dut jouer
des coudes pour parvenir à grimper dans le véhicule surpeuplé.
     
    Même si les
vitres du tramway avaient été abaissées, l'air était étouffant à l'intérieur.
Quand il se remit en marche, Laurette dut s'agripper au dossier d'un siège
occupé par un jeune homme et sa compagne. Pendant un bref moment, elle eut
l'impression que ce dernier allait se montrer galant et lui céder sa place. Ce
ne fut qu'une illusion. Le passager ne bougea pas d'un pouce et elle dut
demeurer debout et se cramponner tant bien que mal durant tout le trajet.
Bousculée par les autres voyageurs et maintenant difficilement son équilibre,
elle finit tout de même par arriver à la rue Fullum où elle s'empressa de
descendre.
     
    Quelques minutes
plus tard, Laurette, exténuée, poussa la porte d'entrée de son appartement de
la rue Emmett avec un réel soulagement. Personne dans la maison.
     
    On n'entendait
que les cris excités des enfants qui s'amusaient dans la grande cour arrière,
au-delà de la clôture des Morin. Elle retira ses souliers sans se pencher et
enleva son chapeau. Elle allait entrer dans sa chambre à coucher quand Gérard
apparut derrière la porte moustiquaire.
     
    75
     
    — Tu reviens ben
de bonne heure? fit-il, surpris de la trouver debout dans le couloir alors
qu'il n'était qu'une heure et demie de l'après-midi.
     
    — J'ai mal à la
tête, lui expliqua sa femme. Est-ce qu'il reste des aspirines?
     
    — Non, mais il y
a des madelons dans la pharmacie de la salle de bain.
     
    — Je vais en
prendre deux et aller m'étendre une heure, déclara-t-elle. Où sont les enfants?
     
    — Carole est chez
les Bélanger.

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