A l'écoute du temps
rassemblés devant lui. De temps à autre, sa voix était couverte par les
camions-remorques quittant leur stationnement situé sur le terrain voisin de la
cour d'école. Le directeur termina son bref laïus en incitant les jeunes à être
attentifs parce que chacun des enseignants rangés à ses côtés allait appeler
les élèves qui appartiendraient à son groupe. On allait commencer par les
garçons qui fréquenteraient les classes de deuxième année.
À tour de rôle,
les enseignants nommèrent leurs élèves et les invitèrent à venir se ranger sur
deux rangs devant I20 LA RENTRÉE DES CLASSES eux. Ils les plaçaient ensuite par
ordre de grandeur avant d'entraîner chaque groupe dans l'obscurité du sous-sol
de l'établissement.
Peu à peu, la
cour de l'école se dépeuplait. Gilles Morin savait qu'à titre d'élève de
septième année il serait parmi les derniers à quitter l'endroit. Il ne savait
pas trop s'il devait espérer être dans la classe d'André Comeau, réputé manquer
de discipline, ou dans celle de Ludger Carbonneau, un petit homme sec dont le caractère
explosif inquiétait ses élèves. Durant cette attente qui finit par lui sembler
interminable, il regardait le dos de son frère, toujours debout, face au mur de
l'immeuble. Il ne cessait de se demander pourquoi il en était venu aux mains
avec Cyr, un élève de septième année. L'autre était beaucoup plus costaud que
lui.
Les trois
enseignants de sixième année prirent en charge leur groupe d'écoliers sans que
l'un d'eux ait nommé Richard Morin. Ils pénétrèrent dans l'école les uns
derrière les autres à la suite de leur groupe sans même jeter un regard aux
deux punis.
Quand il ne resta
plus que les élèves de septième année dans la cour, Gilles se rendit compte que
trois instituteurs faisaient encore face à la centaine de jeunes encore sur
place. Un nouvel enseignant se tenait aux côtés de Ludger Carbonneau et d'André
Comeau. Soudain, il se mit à souhaiter appartenir au groupe de l'inconnu au
visage rond âgé d'une trentaine d'années. Peut-être était-il meilleur ou plus
intéressant que les deux autres. La chance lui sourit. Carbonneau et Comeau
appelèrent chacun la trentaine d'élèves dont ils allaient avoir la charge
durant l'année sans que son nom ne soit prononcé. Lorsque les deux professeurs
eurent disparu dans l'école, le nouveau ne se donna pas la peine de se
présenter. Il se contenta de vérifier si tous les élèves de la septième année C
dont le 121 nom apparaissait sur la liste qu'il tenait à la main étaient bien
présents. Gilles était tout de même un peu dépité.
Aucun de ses
copains n'était dans son groupe.
Au moment
d'entrer dans l'école, Gilles aperçut le directeur adjoint venir chercher son
frère et Michel Cyr.
L'adolescent
traversa le sous-sol de l'établissement qui servait de salle de récréation les
jours de pluie et il monta les vieux escaliers en bois à la suite de ses
camarades jusqu'à un local du second étage. L'instituteur les fit entrer dans
une classe bien éclairée par de larges fenêtres à guillotine et se mit à
désigner à chacun la place qu'il occuperait toute l'année. Gilles allait
s'asseoir derrière le premier pupitre de la dernière rangée. Ensuite,
l'enseignant monta sur l'estrade où était installé son bureau et il écrivit son
nom au tableau en grosses lettres rondes: Laurent Robillard.
L'homme s'adressa
à ses élèves avec assurance, sans élever la voix. Il les prévint qu'il allait
être extrêmement exigeant et que ses premières priorités seraient de leur
donner le goût de l'étude et de la réussite. Il insista longuement sur la
chance qu'ils avaient d'être les finissants de l'école Champlain en cette année
académique 19521953 puisqu'ils allaient pouvoir profiter d'une heure de
natation à la piscine du bain Quintal tous les mercredis après-midi et de deux
heures de menuiserie tous les vendredis après-midi. C'étaient là des activités
qui allaient faire envie à tous les autres élèves de l'école. Il leur distribua
ensuite les manuels dont ils seraient responsables toute l'année. Ils avaient
quarante-huit heures pour les munir d'une couverture sinon ils auraient vingt
lignes de copie par livre non couvert. Il se lança ensuite dans une minutieuse
description de la tâche qui les attendait cette année-là pour obtenir leur
diplôme de septième année.
122 LA RENTREE
DES CLASSES Au
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