A l'écoute du temps
floraux.
— Savez-vous la
meilleure, m'man? fit la fillette.
— Quoi?
— Mireille est
dans ma classe cette année. On est toutes les deux dans la classe de soeur
Saint-Jude. Ça va être le fun. Elle est assez fine, cette soeur-là.
— J'espère
qu'elle vous a pas assises une à côté de l'autre, fit remarquer sa mère. Deux
pies ensemble, ça va jacasser ben plus que ça va apprendre.
— Ben non, m'man,
mentit Carole de. crainte que sa mère exige que sa meilleure amie soit
installée ailleurs dans la classe.
— Et toi, Gilles?
— Moi, j'ai un
nouveau professeur. Il était pas là l'année passée. On sait pas comment il est.
Personne le connaît.
125 Au même
moment, Richard poussa la porte de la clôture de la cour et entra dans la
maison.
— Qu'est-ce qui
t'est arrivé? lui demanda Carole en l'apercevant.
Le ton emprunté
par sa fille alerta Laurette qui tourna immédiatement la tête vers le nouvel
arrivant. A la vue de son oeil qui virait au violet, de sa lèvre enflée et de
la tache de sang sur l'une de ses joues, elle pâlit.
— Veux-tu ben me
dire, bonyeu, ce qui t'est arrivé encore? fit-elle en laissant tomber sur la
table le pain qu'elle venait de tirer de la huche pour se rapprocher vivement
de son fils.
— Rien, répondit
l'adolescent.
— Viens pas me
dire «rien» quand tu m'arrives avec ton linge déchiré sur le dos et le visage
en sang. T'es-tu vu? On dirait que t'es passé en dessous des p'tits chars.
Est-ce qu'il va
falloir que j'aille à l'école pour savoir la vérité?
— Je me suis
battu avec un gars, finit par avouer Richard.
— Regarde donc
ça! s'exclama sa mère en examinant son visage de près. Si ça a du bon sens se
faire maganer comme ça! Il y a personne qui surveille dans cette école de fous?
Il y a pas de professeurs? Eux autres, ils vont m'entendre!
— C'est arrivé
sur la rue, pas à l'école, avoua son fils, toujours planté devant elle, les
bras ballants.
— Comment ça? Et
toi, Gilles, t'es pas capable de défendre ton petit frère?
— J'étais pas là,
moi, se défendit Gilles.
— D'abord,
pourquoi tu t'es battu, toi? demanda Laurette en retournant toute son attention
sur le plus jeune de ses fils.
Richard se
dandina devant elle, l'air buté.
126 LA RENTRÉE
DES CLASSES
— Réponds quand
je te pose une question! hurla-t-elle aux oreilles de son fils. Tu m'arrives
avec une chemise déchirée et le visage en sang. Je veux savoir pourquoi.
— Pour rien.
— On se bat pas
pour rien, maudit niaiseux!
— Ben, Jean-Louis
attendait les p'tits chars au coin de Sainte-Catherine, à matin. Cyr l'a traité
de tapette parce qu'il marchait les fesses serrées, qu'il disait.
— Et tu t'es
battu pour ça? fit Laurette sur un ton un peu adouci.
— Ben, j'étais
pas pour le laisser rire de mon frère, se défendit Richard.
— Tu parles d'un
maudit insignifiant, ce Cyr-là! s'écria Laurette qui n'acceptait pas qu'on ose
se moquer de son préféré.
À ce moment-là,
elle ne pouvait vraiment plus blâmer son fils d'avoir défendu la réputation de
son frère aîné.
— En tout cas, on
dirait ben que t'en as mangé une maudite, reprit Gilles en constatant que la
colère maternelle semblait s'être envolée.
— Tu regarderas
la face de Cyr cet après-midi, lui suggéra Richard. Tu vas t'apercevoir qu'il
est pas mal plus magané que moi. Je l'ai pas manqué, se vanta l'adolescent qui
reprenait progressivement du poil de la bête.
— Je vais lui
dire deux mots à Cyr, moi aussi, promit Gilles.
— Toi, calme-toi,
lui ordonna sa mère en s'efforçant de paraître sévère. Vous allez pas à l'école
pour passer votre temps à vous battre. Vous êtes pas des bums. En attendant,
Richard, va te changer et lave-toi le visage à l'eau froide avant de mettre une
autre chemise.
Le garçon revint
dans la cuisine quelques minutes plus tard. En prenant place à table, il
expliqua à sa mère: 127
— Magnan m'a mis
en retenue toute la semaine pour ça, l'écoeurant.
— Lui as-tu
expliqué pourquoi tu t'étais battu? s'enquit sa mère.
— Ben non, m'man.
Ça le regarde pas.
— Je vais
l'appeler, moi.
— Non. Laissez
faire. J'aime mieux faire ma retenue.
Je veux pas
passer pour le petit garçon à sa moman et faire rire de moi par les autres.
— Si c'est comme
ça,
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