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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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rez-de-chaussée, Richard passait, au même moment, un bien
mauvais quart d'heure dans le bureau de Hervé Magnan. Il avait dû attendre
plusieurs minutes, debout devant la porte, que ce dernier revienne d'aller
conduire Michel Cyr dans sa classe.
     
    A son retour, le
directeur adjoint lui fit signe d'entrer dans la pièce. Il ne mâcha pas ses
mots pour qualifier sa conduite. À aucun moment, il ne lui demanda la raison de
la bagarre qui l'avait opposé à l'élève de septième année.
     
    — Tu t'es conduit
comme un sauvage, tu m'entends, Richard Morin, hurla-t-il aux oreilles de
l'adolescent planté debout, immobile, devant son bureau. Je vais t'enlever le
goût de refaire ça. Tends les mains, ordonna-t-il en s'approchant de lui.
     
    L'homme à la
stature imposante tira alors de la poche intérieure de son veston une épaisse
lanière de caoutchouc et s'empara de l'une des mains de Richard. Ce dernier eut
droit à cinq coups de «banane» sur chacune des mains, comme disaient les jeunes
du quartier. Il ne proféra pas une plainte, même s'il sentait ses mains enfler
et lui cuire à chaque coup.
     
    — Ici, tu feras
peur à personne, conclut Magnan en rangeant finalement sa courroie dans sa
poche. Tu resteras en retenue à quatre heures jusqu'à vendredi. Chaque
après-midi, quand la cloche sonnera, je veux te voir venir te placer debout
devant la porte de mon bureau, face au mur. À cette heure, tu m'as fait perdre
assez de temps.
     
    Arrive! Je vais
aller te conduire dans ta classe.
     
    Les mains
engourdies par les coups reçus, le cadet des Morin suivit Hervé Magnan,
secrètement assez fier de ne pas avoir gémi pendant la correction qu'il venait
de subir.
     
    Il monta un étage
sur les talons de l'adjoint pour s'arrêter presque immédiatement à la porte de
la sixième année A.
     
    123 Hervé Magnan
frappa. Quand l'adolescent vit Louis Nantel ouvrir, son coeur eut un raté.
     
    — Pas lui!
murmura-t-il entre ses dents. Maudit que je suis pas chanceux! Magnan tourna
brusquement la tête vers lui.
     
    — Qu'est-ce que
tu viens de dire? lui demanda-t-il, l'air menaçant.
     
    — Rien, monsieur.
     
    Il lui tourna
alors carrément le dos pour s'adresser au gros instituteur en fin de carrière
qui avait la réputation fort méritée de faire régner une discipline de fer dans
son local à l'aide d'une règle métallique toujours déposée sur le coin de son
bureau. Plusieurs générations d'écoliers du quartier avaient appris à leurs
dépens qu'il l'utilisait fort généreusement et à tout propos.
     
    Après avoir
échangé quelques mots avec l'enseignant, le directeur adjoint avait laissé
Richard seul face à son nouvel instituteur.
     
    — Toi, la tête
croche, je te conseille de te tenir le corps raide et les oreilles molles, lui
dit-il avec un air mauvais.
     
    Va t'installer au
deuxième pupitre, proche des fenêtres et que je t'entende pas, ajouta-t-il en
s'effaçant pour le laisser entrer dans le local.
     
    L'adolescent ne
se le fît pas répéter. Son entrée suscita bien quelques murmures, mais Louis
Nantel les fit cesser en frappant son bureau d'un unique coup de règle.
     
    Évidemment, avec
son oeil droit enflé, sa lèvre fendue et sa chemise déchirée, le nouvel
arrivant ne pouvait pas espérer passer inaperçu.
     
    A onze heures
trente, la cloche sonna la fin de ce premier avant-midi de classe. Les élèves,
heureux de retrouver momentanément leur liberté, quittèrent l'école 124 LA
RENTRÉE DES CLASSES pour aller dîner. Il faisait tellement chaud qu'on se
serait cru en plein mois de juillet.
     
    Gilles arriva à
la maison en même temps que sa soeur Carole. Leur mère finissait d'étendre sa
dernière brassée sur la corde à linge. La vieille laveuse Beatty avait déjà
retrouvé sa place habituelle au fond de la chambre des garçons.
     
    — Où est Richard?
demanda-t-elle en déposant son panier d'osier vide dans un coin de la cuisine
avant de s'essuyer le front avec un coin de son tablier fleuri.
     
    — Il doit s'en
venir de l'école, hasarda Gilles, sans se compromettre.
     
    — Bon. Va
accrocher le panier derrière la porte de la cave, reprit Laurette à l'endroit
de son fils. Toi, Carole, commence à mettre la table.
     
    — Qu'est-ce qu'on
mange à midi? demanda Gilles,
     
    — Des sandwichs
au baloney. Sors aussi le beurre et la moutarde, Carole, précisa sa mère en
déposant une bouteille de Kik sur la nappe cirée aux larges motifs

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