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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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fais-la ta retenue, gnochon, et viens pas te plaindre.
     
    — En plus, il a
fallu que je tombe dans la classe du père Nantel, cette année.
     
    — Ayoye! le
plaignit sincèrement son frère. Il paraît qu'il est bête comme ses pieds. T'es
pas chanceux!
     
    — S'il m'écoeure
trop, le bonhomme, je lâche l'école, fanfaronna Richard.
     
    — Aie! Richard
Morin! le prévint sa mère, viens pas faire le matamore. T'iras à l'école tant
qu'on te dira d'y aller. En attendant, fais-toi des sandwichs comme les autres
et mange. Arrange-toi pas pour arriver en retard à l'école en plus.
     
    Lorsque vint le
moment de quitter la maison pour retourner à l'école, la mère de famille alla
chercher un dollar et demi dans son porte-monnaie et tendit la somme à Gilles.
     
    — En revenant de
l'école cet après-midi, arrête chez Allard et achète six feuilles de papier
brun pour couvrir vos livres, lui commanda-t-elle.
     
    Allard était une
petite mercerie située en face de l'église Saint-Vincent-de-Paul. Elle était
tenue par deux vieilles dames âgées qui vendaient aussi bien du tissu et des
boutons que toutes sortes d'articles scolaires et religieux.
     
    128 LA RENTRÉE
DES CLASSES
     
    — Pas encore du
papier brun, protesta Carole. Pourquoi on couvrirait pas nos livres avec le nouveau
papier qui est comme du cuir? Il y en a de toutes les couleurs. Mireille m'a
dit que sa mère en avait acheté du rouge pour couvrir ses livres à soir.
     
    — Si les Bélanger
sont riches, tant mieux pour eux autres, laissa sèchement tomber sa mère. Moi,
je paierai pas ce papier-là cinquante cents la feuille quand le papier brun
coûte juste quinze cents. Puis, vous autres, les garçons, traînez pas après
l'école si vous voulez que je vous amène chez Yellow pour vos souliers.
     
    — Ben, moi, je
suis en retenue. Magnan va au moins me garder jusqu'à cinq heures.
     
    — Bon. Si c'est
comme ça, vous allez endurer vos vieux running shoes jusqu'en fin de semaine,
ajouta-t-elle en faisant signe à ses enfants de partir.
     
    Depuis que
Laurette avait commencé à se priver de nourriture pour maigrir, son caractère
déjà peu facile avait empiré. C'était au point que son mari lui avait dit le
matin même: «Je sais pas ce que t'as depuis un bout de temps, mais t'es rendue
que t'as de la misère à t'endurer toi-même.» Gérard ne s'était même pas rendu
compte que sa femme mangeait moins. Selon elle, le plus enrageant était que
même si elle n'avait pas touché une seule fois à un dessert depuis plus de deux
semaines, elle ne se sentait pas tellement plus légère. Elle s'était attendue à
être moins à l'étroit dans ses robes, il n'en était rien. La veille, elle avait
bien tenté de resserrer d'un cran la ceinture de l'une de ses robes: rien à
faire. Elle étouffait au point qu'elle dut vite renoncer. C'était absolument
incompréhensible. Être dans l'incapacité de constater à quel point elle avait
maigri 129 après de si dures privations l'énervait au plus haut point et la
rendait irascible.
     
    Dès que les
enfants eurent franchi le seuil de la porte, la mère de famille s'empressa de
se verser un grand verre de cola et elle alluma une cigarette en songeant
qu'elle devait se décider à se peser. À cette seule pensée, elle avait des
sueurs froides.
     
    — Bonyeu! Si j'ai
pas maigri d'au moins dix livres, je pique une crise! dit-elle à mi-voix.
     
    Pourtant, le
samedi précédent, elle avait eu l'occasion de le faire en passant devant la
pharmacie Montréal. Mais la peur de gâcher son jour de congé l'avait empêchée
de pénétrer dans l'établissement. Elle avait lâchement décidé de remettre cette
corvée à plus tard. Encore mieux, elle aurait pu s'arrêter chez Charland, coin
Dufresne et Sainte- Catherine, après avoir acheté la nourriture pour les siens
la veille puisque cette pharmacie de quartier venait de se munir aussi d'un
pèse-personne. Malheureusement, le propriétaire avait eu l'idée saugrenue de le
placer près du comptoir où les clients devaient attendre qu'on remplisse leur
prescription. Se peser sous les yeux de tout le monde était évidemment hors de
question.
     
    «Si tu penses que
je vais aller faire rire de moi en montant sur cette bébelle-là devant tous les
écornifleux du coin, s'était dit Laurette comme si elle parlait à Antoine
Charland, le propriétaire de la pharmacie, tu me connais pas!» Bref, sa diète
l'exaspérait et la rendait presque

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