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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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rester.
     
    — Pour quoi
faire?
     
    — Si je suis pas
là, tu vas cochonner mes planchers avec la suie.
     
    — Voyons donc,
cybole! protesta Gérard. On va faire comme tous les automnes. On va étendre de
la gazette à terre avant de défaire les tuyaux et on va faire attention en les
transportant dans la cour pour les nettoyer.
     
    — T'es ben sûr?
     
    — Je te le dis,
fit son mari avec une note d'impatience dans la voix. Si on salit tes
planchers, on va te les laver avant que tu reviennes.
     
    Laurette
tergiversa durant quelques instants avant de se décider soudainement.
     
    — C'est correct,
d'abord. Mais je reviendrai pas tard.
     
    Elle disparut
dans sa chambre dans l'intention de se préparer à sortir. En pénétrant dans la
pièce, elle retira sa 148 PERDRE DU POIDS robe de chambre et s'apprêtait à
mettre sa robe quand elle vit ses cadeaux qu'elle n'avait pas eu le temps de
ranger.
     
    Elle déposa le
pèse-personne neuf sur le parquet et elle s'apprêtait à le repousser sous le
lit du bout du pied quand elle eut l'idée saugrenue de se peser avant de
partir. Elle hésita un bref moment avant de se décider à monter sur l'appareil.
Aussitôt, il y eut un bruit d'aiguille affolée qui la poussa à pencher
brusquement la tête vers le cadran placé entre ses pieds.
     
    — Ben voyons
donc, bonyeu! s'exclama-t-elle en regardant fixement le chiffre sur lequel
l'aiguille venait de s'arrêter en tremblotant. C'est quoi cette maudite
patente-là? Elle marche pas! Deux cent deux livres! Ça se peut pas! Ça fait six
semaines que je me prive comme une folle! La nouvelle quadragénaire eut beau
déplacer ses pieds sur le pèse-personne et tenter de se mettre sur le bout des
pieds pour alléger son poids, l'aiguille rouge ne bougeait pas. Elle indiquait
toujours deux cent deux livres! Elle en aurait pleuré si elle n'avait pas été
aussi enragée. Six semaines sans dessert! Six semaines à surveiller tout ce
qu'elle mangeait pour perdre seulement trois petites livres. Il n'y avait pas
de justice! Secouée plus qu'elle n'aurait voulu se l'avouer, Laurette se
précipita sur son paquet de cigarettes et, fébrile, en alluma une avant de se
laisser tomber sur son lit.
     
    — Il y a des
petites qui mangent comme des défoncées, dit-elle à mi-voix, et elles
engraissent même pas. Moi, juste à regarder manger les autres, je grossis.
Viarge, que ça m'enrage! ajouta-t-elle en repoussant le pèse-personne sous le lit
d'un coup de pied rageur.
     
    Elle finit tout
de même par se remettre sur ses pieds et entreprit de brosser ses cheveux après
avoir mis sa robe.
     
    — Pour moi, cette
affaire-là est pas correcte, dit-elle comme si elle s'adressait à son miroir.
Ça me surprendrait 149 pas que ce soit pas précis pantoute, ajouta-t-elle pour
se rassurer. C'est sûr que quand tu payes pas cher, ça peut pas être comme la
balance des pharmacies. Qu'il y ait du monde ou pas, aujourd'hui, j'arrête à la
pharmacie Montréal et je me pèse. On va ben voir. Mais je suis ben sûre que ce
sera pas pantoute le même poids. Je suis pas folle, bonyeu! Je le sais, moi,
que j'ai maigri ben plus que ça. Ma robe est presque rendue trop grande pour
moi...
     
    Forte de cette
décision, Laurette mit un peu de fard sur ses joues, appliqua du rouge sur ses
lèvres et endossa son manteau. Avant de poser son chapeau sur sa tête, elle
examina soigneusement dans le miroir sa chevelure brune encore très frisée pour
traquer le moindre cheveu blanc.
     
    — J'ai une vraie
tête de folle avec ce permanent-là, dit-elle en tentant d'aplatir de la main
quelques boucles qu'elle jugeait trop frisées. Si j'avais de l'argent comme
tout le monde, je pourrais me payer une coiffeuse au moins une ou deux fois par
année. Ben non! Toujours à tirer le diable par la queue et jamais une maudite
cenne pour moi.
     
    Elle finit par
s'emparer de son sac à main et sortit de sa chambre.
     
    — Je reviens
autour de trois heures, dit-elle à son mari au moment où il sortait à
l'extérieur pour enlever les persiennes des deux fenêtres donnant sur le
trottoir de la rue Emmett.
     
    — Prends ton
temps. Il y a rien qui presse, fit Gérard.
     
    Comme tous les
samedis, Laurette monta dans le tramway, coin Fullum et Sainte-Catherine, en
direction de l'ouest, là où, selon elle, il y avait de vrais beaux magasins. Il
faisait beaucoup plus frais qu'elle ne l'avait cru et un petit vent frisquet du
nord charriait dans le ciel montréalais

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