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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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de lourds nuages. Le nez appuyé contre
la l5° PERDRE DU POIDS vitre du tramway, Laurette se rendait bien compte qu'il
y avait beaucoup moins de badauds sur les trottoirs que les semaines
précédentes, ce qui n'était pas pour lui déplaire.
     
    Son humeur était
aussi morose que le temps.
     
    Assise seule sur
une banquette du tramway aux deux tiers vide, elle laissa vagabonder son
esprit. Elle avait quarante ans aujourd'hui. Quarante ans! Plus de la moitié de
sa vie était derrière elle. Elle cherchait à se rappeler l'apparence de sa
propre mère à cet âge-là. Elle n'y parvint pas. Il ne lui venait à l'esprit que
des cousines et des voisines de cet âge, et cela la déprimait. Plongée dans ses
pensées, elle n'avait pas prêté attention aux rues transversales croisées par
le tramway. Quand le conducteur annonça «Saint-Hubert», elle sursauta et se précipita
sur la cordelette pour lui faire savoir qu'elle désirait descendre. Elle
bouscula un vieux monsieur qui tardait un peu trop à lui céder le passage et
descendit du véhicule.
     
    Quelques minutes
plus tard, elle traversa du côté sud de la rue pour entrer dans la pharmacie
Montréal, bien décidée à en avoir le coeur net. Elle pénétra dans
l'établissement d'un pas décidé et se dirigea immédiatement vers l'un des
pèse-personne installés dans un coin. Le hasard voulut qu'une dame au tour de
taille très conséquent soit déjà sur l'appareil. Laurette ne s'approcha pas et
attendit patiemment son tour. Quand elle vit la cliente descendre avec effort
du pèse-personne et s'éloigner, elle ne put s'empêcher de marmonner méchamment:
     
    — Si j'étais
grosse comme elle, j'irais pas faire rire de moi en allant me peser devant tout
le monde.
     
    Dès que la dame
se fut assez éloignée, Laurette s'empressa de glisser une pièce de cinq cents
dans l'appareil et monta dessus. Elle ferma d'abord les yeux, formulant une
prière muette pour que le poids indiqué soit beaucoup plus bas que celui de son
propre pèse-personne. Elle I5I rouvrit les yeux et regarda où l'aiguille
s'était arrêtée.
     
    Deux cent deux
livres!
     
    — Maudit
calvaire! jura-t-elle. Si ça a de l'allure! Cette fois encore, sans descendre
de l'appareil, elle retira ses souliers qu'elle repoussa du pied avec
impatience. Elle était convaincue que cela allait faire une grosse différence.
     
    Rien à faire:
deux cent deux livres!
     
    — Bout de viarge!
La maudite machine! jura-t-elle en jetant un regard furieux autour d'elle pour
s'assurer que personne n'avait pu voir le chiffre indiqué par l'aiguille.
     
    Je suis pas si
grosse que ça! ajouta-t-elle pour elle-même, les larmes aux yeux.
     
    Le coeur gros,
elle remit ses chaussures et sortit de la pharmacie en coup de vent. Tout en
marchant, elle finit par se calmer un peu en se disant qu'elle devait
appartenir à cette catégorie de femmes dont le surplus de poids est causé par
un dérèglement hormonal. Germaine Dansereau, une matrone énorme de la rue
Archambault, lui avait expliqué l'été précédent que c'était son problème.
     
    Selon elle, ce
cas-là était courant et il n'y avait rien à faire. Il n'existait aucune diète
capable de faire perdre les livres en trop à une personne souffrant d'un
dérèglement hormonal. C'était inutile de s'entêter, lui avait-elle assuré.
     
    Elle avait même
juré que son médecin lui avait dit que faire un régime dans un tell cas
revenait à mettre sa santé en danger. En somme, selon elle, il existait des
femmes nées pour être un peu «grassettes».
     
    Ces pensées
rassurantes eurent l'avantage d'apaiser singulièrement la mère de famille. Plus
elle y songeait, plus elle se persuadait d'appartenir à cette catégorie de
femmes. La meilleure preuve en était que sa diète «sévère» n'avait pratiquement
servi à rien. En d'autres mots, il n'y avait rien à faire pour perdre les
quelques livres qu'elle avait en trop. De plus, elle n'avait pas le droit!52
PERDRE DU POIDS de mettre sa santé en jeu pour redevenir mince. Après tout, elle
n'était plus une jeune fille.
     
    Tout au long de
l'avant-midi, elle se répéta si souvent tout cela qu'elle parvint à se
convaincre d'avoir trouvé la bonne explication. Elle finit par être tellement
persuadée que, lorsqu'elle se présenta au comptoir de la cafétéria du magasin
Eaton, à l'heure du midi, elle commanda sans le moindre remords un club
sandwich et un gros sundae.
     
    Après le repas,
l'estomac

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