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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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Gilles.
     
    — J'aurais ben
été capable de vous cuire un gâteau, m'man, expliqua Denise avant que la
dispute ne prenne entre ses deux jeunes frères, mais je finissais trop tard de
travailler.
     
    — Tout est
parfait, déclara Laurette en finissant de savourer sa part du gâteau.
     
    r55 Ses deux
filles la chassèrent de la cuisine dès qu'elle eut fini de boire son thé.
     
    — Vous avez congé
de vaisselle, m'man. C'est votre fête. Allez vous préparer pour le théâtre.
     
    Ce soir-là, la
mère de famille profita pleinement de sa sortie. Les situations burlesques
exploitées par la troupe du National la firent rire aux larmes. À son retour,
un peu avant minuit, elle se glissa en silence dans sa chambre à coucher en
compagnie de Gérard en prenant bien soin de ne pas réveiller les enfants qui
dormaient déjà. Après avoir endossé sa robe de nuit, elle se pencha pour
récupérer ses pantoufles sous le lit. À la vue du pèse-personne, elle n'éprouva
aucun remords. Elle le repoussa d'un geste brusque plus loin sous le lit. Son
choix était fait: le temps de la diète appartenait au passé.
     
    Chapitre 7 Les
premiers émois Le soleil finit par disparaître presque complètement, ne
laissant aux gens qu'une succession de jours gris de plus en plus froids. Les
pluies fréquentes formèrent des mares boueuses dans la grande cour et
entraînèrent dans les caniveaux de la rue Emmett les papiers gras et les mégots
abandonnés par les passants. Les persiennes vert bouteille avaient cédé leur
place aux doubles fenêtres. Avec le mois d'octobre, l'automne s'était bel et
bien installé.
     
    Il y avait
maintenant si peu de vie extérieure qu'on aurait juré le quartier déserté. On
voyait bien de temps à autre des gens marcher sur les trottoirs inégaux, mais
ils semblaient plus pressés de se mettre à l'abri que de parler à leurs
voisins. Même les jeunes enfants semblaient avoir fui cette température
maussade parce que les mères préféraient les garder à l'intérieur.
     
    Chez les Morin,
il fallait désormais chauffer l'appartement durant toute la journée parce que
les portes et les fenêtres, même soigneusement calfeutrées par Gérard avec de
vieux chiffons découpés, n'empêchaient pas l'air froid de passer. On ne
laissait plus s'éteindre le poêle et la fournaise qu'au moment de se mettre au
lit, par souci d'économie. Se lever chaque matin impliquait un réel effort de
volonté pour affronter la froide humidité qui régnait entre les murs de la
vieille maison délabrée.
     
    J57
     
    — Je suis rendue
que j'ai hâte que la neige se mette à tomber, dit Laurette, bougonne, un lundi
matin, en serrant contre elle les pans de sa vieille robe de chambre délavée.
     
    — Pourquoi? Tu
trouves qu'on gèle pas assez déjà? lui demanda Gérard en train d'allumer la
fournaise installée dans le couloir.
     
    — Non. Parce qu'à
ce moment-là, on va au moins chauffer la fournaise toute la nuit. On sera pas
gelés comme des cotons le matin en se levant.
     
    — C'est ça, fit
son mari sarcastique. Puis on va en arracher juste un peu plus pour payer tout
le charbon que ça va prendre. On dirait que t'as oublié que toutes ces
dépenses-là nous empêcheront pas de voir de la glace sur les plinthes le matin.
     
    Laurette haussa
les épaules et se mit à confectionner les sandwichs au baloney que son mari
allait manger au dîner. Jean-Louis se joignit quelques minutes plus tard à ses
parents pour déjeuner avec eux et, ce matin-là, il quitta la maison en même
temps que son père. À sept heures, Laurette réveilla ses autres enfants et
entreprit de tendre des cordes à travers le couloir et la cuisine pendant
qu'ils avalaient rapidement leur déjeuner.
     
    — Et que j'haïs
ça des cordes à linge dans la maison, dit Denise en regardant sa mère attacher
une corde, qui traversait en diagonale toute la cuisine, à un clou planté près
de l'armoire.
     
    — Si tu connais
un autre moyen de faire sécher le linge quand il mouille dehors, répliqua sa
mère avec mauvaise humeur, t'as juste à me le dire.
     
    — J'en connais
pas, m'man, reconnut franchement la jeune fille.
     
    — Il y a au moins
un avantage, poursuivit sa mère. Le linge sec sentira pas la Dominion Rubber ou
la Dominion Oilcloth.
     
    158 LES PREMIERS
ÉMOIS
     
    — Ouais,
intervint Richard, mais on s'accroche la tête dans le linge, par exemple.
     
    — T'as juste à te
pencher, épais, lui conseilla

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