A l'écoute du temps
arrêter au presbytère en revenant de l'école.
Il paraît qu'ils cherchent des servants de messe.
— Toi, tu veux
devenir servant de messe? demanda sa mère, ébahie.
— Ben oui. Je
suis aussi capable qu'un autre de faire ça, vous saurez, s'insurgea
l'adolescent en croyant que sa mère mettait ses capacités en doute.
— Je le sais, le
rassura-t-elle, mais j'ai ben hâte de te voir avec une soutane et un surplis
sur le dos, par exemple.
— Vous verrez
ben, promit Richard en endossant son coupe-vent.
— En tout cas,
sois ben poli en allant au presbytère.
161 Richard Morin
avait un don certain pour s'attirer toutes sortes d'ennuis tant à l'école qu'à
l'extérieur. Il avait un talent particulier pour se trouver toujours au mauvais
endroit au mauvais moment. Évidemment, ses copains étaient tous des «queues de
classe» et des «doubleurs» ainsi que sa mère les appelait avec mépris.
Après son retour
remarqué à l'école Champlain au début de septembre, Louis Nantel, son
professeur de sixième année, en avait fait sa tête de Turc préférée. Le gros
enseignant l'avait à l'oeil et ne laissait passer aucune occasion de le punir.
Durant les premiers jours, l'adolescent s'était bercé de la douce illusion que
l'instituteur se lasserait d'être toujours sur son dos et qu'il finirait même
par l'expédier au fond de la classe avec les «sans génie» et les paresseux.
Grave erreur. L'homme ne lui laissait aucun répit et l'obligeait à travailler.
A la moindre distraction de sa part, la longue baguette dont il ne se séparait
pratiquement jamais venait frapper son pupitre pour le rappeler à l'ordre.
— Le maudit
catéchisme! se plaignait souvent Richard à la maison. Est-ce qu'il y a quelque
chose de plus plate que ça?
— Fais attention
à ce que tu vas dire, le reprenait sa mère sur un ton menaçant.
— Ben, m'man!
Pourquoi il faut apprendre tous ces numéros-là par coeur? Il y en a presque
mille. J'en ai dix à apprendre par coeur tous les soirs. Le lendemain matin, le
bonhomme Nantel...
— Monsieur
Nantel!
— Monsieur Nantel
nous oblige à les réciter. S'il manque un mot dans la réponse ou si on la sait
pas, on est obligés de copier le numéro dix fois. «Qu'est-ce que la
transsubstantiation?» avait-il lu dans son catéchisme.
Voulez-vous ben
me dire ce que ça mange en hiver, cette bibitte-là? avait-il ajouté sur un ton
dégoûté.
162 LES PREMIERS
EMOIS
— Écoute à
l'école, ils ont dû te l'expliquer, s'était contentée de répliquer sa mère.
Bon. A cette heure, envoyé qu'on en finisse! J'ai pas juste ça à faire, moi, te
faire réciter tes leçons.
Au fond
d'elle-même, Laurette n'était pas loin de partager l'opinion de son fils au
sujet de la mémorisation des réponses du catéchisme. À l'époque où elle
fréquentait l'école de la rue Sainte-Catherine, elle détestait le début de
chaque matinée parce qu'il était consacré à la récitation des mêmes réponses du
catéchisme, mémorisées tant bien que mal la veille. Les dames de la
Congrégation Notre- Dame accordaient à cet exercice quotidien une importance
nettement démesurée.
Bref, fait
extraordinaire, après sept semaines d'école, Richard Morin n'avait eu à subir
aucune autre sanction disciplinaire que la semaine de retenue imposée par Hervé
Magnan lors de la rentrée, au début du mois de septembre.
Cela ne
signifiait surtout pas que l'adolescent était devenu subitement un ange ou
qu'il avait pris goût à l'étude.
Non. Il ne
fallait y voir qu'une chance persistante. Il ne changeait pas. Avec une
désinvolture qui n'appartenait qu'à lui, il continuait à marcher sur la ligne
très mince séparant la rébellion de l'obéissance.
Lorsque la cloche
annonça la fin des classes cet après-midi- là, Richard se leva immédiatement,
prêt à bondir vers la porte du vestiaire dès le signal de Louis Nantel. Il
était si impatient de partir qu'il ne s'aperçut pas qu'il venait de couper la
parole à son instituteur en train d'expliquer au tableau une division
particulièrement compliquée.
Toutes les têtes
se tournèrent d'un seul mouvement vers l'élève impoli, en attente de
l'explosion de colère de l'enseignant. Le fils de Laurette se rendit immédiatement
compte de sa bévue et se rassit vivement, les oreilles rouges de confusion.
L'instituteur choisit alors de traiter l'infraction par
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