A l'écoute du temps
finissant d'étaler un soupçon de rouge
sur ses lèvres, debout devant le petit miroir installé au-dessus de l'évier.
La semaine passée
je suis allée à l'école pour Carole. Il y a pas de raison que j'aille pas voir
les professeurs des garçons.
— Tu sais
pourtant ben que l'école va t'envoyer leur bulletin même si tu y vas pas. S'il
y avait quelque chose de spécial, tu peux être sûre qu'ils t'auraient
téléphoné.
— Je le sais,
mais c'est pas la même chose, s'entêta la mère de famille.
Assis à la table
de cuisine en train de faire leurs devoirs, Gilles et Richard s'adressèrent un
regard de connivence.
Leur père
répétait exactement ce qu'ils avaient dit à leur mère l'après-midi même.
— Bon. Je suis
prête. Grouille, Gilles. Je veux pas arriver trop tard et être poignée pour
attendre derrière une filée de mères. Richard, oublie pas de mettre de l'eau
dans le pied de l'arbre de Noël. Il est déjà en train de 233 sécher. Je passe
mon temps à balayer des aiguilles de sapin dans la cuisine.
Gilles poussa un
soupir de résignation. Il s'empressa d'endosser son manteau et de chausser ses
bottes. Il rejoignit sa mère à la porte d'entrée. Laurette et son fils
sortirent de la maison. La température extérieure était singulièrement douce en
ce lundi soir de décembre. La neige s'était mise à fondre depuis le début de
l'après-midi quand un vent du sud avait commencé à souffler sur la métropole.
Pendant que
Gilles s'inquiétait des effets de cette fonte sur la partie de hockey qu'il se
proposait de disputer avec ses copains le lendemain après-midi, après l'école,
sa mère espérait ne pas avoir trop honte en entendant les commentaires que les
enseignants allaient lui faire sur ses deux fils. Par chance, la semaine
précédente, soeur Saint- Jude n'avait eu que de bons mots pour Carole, même si
les notes de son troisième bulletin se maintenaient tout près de soixante pour
cent pour un troisième mois consécutif.
Elle ressemblait
à sa soeur Denise. Elle n'avait pas un grand talent, mais elle était ordonnée
et obéissante, ce qui plaisait toujours aux religieuses.
Pour ses garçons,
c'était souvent une autre paire de manches. Elle avait connu beaucoup plus de
déboires que de joies à chaque fois qu'elle s'était présentée à l'école
Champlain pour rencontrer leurs instituteurs.
Jean-Louis avait
toujours eu beaucoup de difficulté à l'école. Il avait beau faire des efforts,
ça n'entrait pas facilement. À chacune de ses visites, elle avait dû hausser le
ton pour faire comprendre à son instituteur que son Jean-Louis faisait vraiment
son possible et qu'il fallait arrêter d'être continuellement sur son dos. Elle
se fichait royalement que les enseignants croient qu'elle le surprotégeait. Par
ailleurs, si les résultats de Gilles 234 DECEMBRE se maintenaient le plus
souvent autour des soixante-dix pour cent, ceux de Richard étaient plutôt en
dents de scie.
Dans son cas,
elle savait que c'était surtout une question de comportement. Depuis son entrée
à l'école Champlain, il avait un don certain pour s'attirer les foudres de
l'instituteur qui avait la malchance de le compter parmi ses élèves.
— J'espère juste
que ton frère a pas fait le fou, dit-elle à Gilles au moment d'escalader la
douzaine de marches du large escalier en pierre qui conduisait à la porte
d'entrée de l'école.
La plupart des
fenêtres de l'école Champlain étaient éclairées en cette soirée de décembre.
Des parents, en grande majorité des mères, franchissaient, les uns après les
autres, la porte d'entrée de l'institution. Arrivée sur le palier, Laurette
prit tout de même un bref instant de répit pour reprendre son souffle.
— Bonyeu qu'il
est raide, cet escalier-là! se plaignit-elle, essoufflée.
— Où est-ce que
je vous attends, m'man? demanda Gilles en manifestant une certaine impatience.
— Attends-moi
dans l'entrée. Ça devrait pas être ben long. Il est même pas encore sept
heures. On devrait être parmi les premiers.
Debout devant le
secrétariat, Hervé Magnan, l'imposant directeur adjoint, orientait les parents
vers le local où les attendait l'instituteur de leur fils. Laurette retira
d'abord son lourd manteau de drap noir tant il faisait chaud dans l'école.
Après un moment d'hésitation, elle choisit d'aller voir d'abord le professeur
de Gilles. Elle monta le vieil
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