A l'écoute du temps
escalier intérieur en bois en soufflant et
tourna à gauche. Des parents attendaient déjà, assis sur des chaises disposées
près des portes de chaque local. La chance sourit à la mère de famille: elle
était la première à se présenter 235 devant la porte ouverte de la classe de
Laurent Robillard.
Elle trouva ce
dernier assis à son bureau, penché sur le registre de son groupe.
Le jeune enseignant
à la figure ronde se leva avec empressement en l'apercevant et l'invita à
entrer et à s'asseoir. Heureuse de trouver un siège, Laurette s'assit
lourdement et déposa son manteau sur ses genoux. Pour son plus grand plaisir,
Laurent Robillard lui vanta la ponctualité et le travail sérieux de son fils en
lui faisant remarquer que sa moyenne générale n'avait pas cessé d'augmenter
depuis le début de l'année. Il avait atteint soixante-seize pour cent en
novembre et s'était classé troisième du groupe. Il allait avoir droit à la
petite épinglette couleur bronze qu'il lui remettrait le lendemain avant-midi.
L'instituteur conclut en affirmant qu'il ne serait pas étonné de le voir porter
les feuilles de laurier du premier de classe avant la fin de l'année. Bref, il était
particulièrement satisfait du rendement scolaire de Gilles et il espérait que
l'adolescent poursuivrait ses études en huitième année, à l'école Jean-Baptiste
Meilleur.
— Vous verrez,
madame Morin. Votre gars va aller loin dans la vie, lui prédit-il en la
conduisant à la porte.
Tout heureuse de
ce qu'elle venait d'entendre, Laurette remercia l'enseignant et se dirigea vers
la classe de Louis Nantel que fréquentait Richard.
— Ouais! se
dit-elle. Après les fleurs, je suppose que je vais recevoir le pot.
Elle dut prendre
place à côté de deux mères de famille dans le couloir et attendre son tour de
rencontrer le gros enseignant dont les cheveux blancs contrastaient avec ses
lunettes à monture de corne. Quand vint son tour de s'asseoir face au vieil
instituteur, elle eut la surprise de l'entendre dire que son Richard était en
train de se replacer.
236 DÉCEMBRE
— Ses notes ont
légèrement augmenté durant le mois de novembre, lui expliqua-t-il en lui
tendant le bulletin jaune cartonné de son fils. Il travaille un peu mieux. Il
est rendu à soixante-quatre pour cent. Je dirais même qu'il est beaucoup moins
distrait qu'au début de l'année.
— Vous me
surprenez pas mal, dit Laurette, enchantée d'apprendre de si bonnes nouvelles.
— C'est d'autant
plus surprenant qu'il m'a l'air d'être sérieusement en amour, conclut
l'enseignant avec un petit rire entendu.
— En amour? fit
la mère de famille, étonnée.
— On le dirait
bien, conclut Louis Nantel en quittant sa chaise pour signifier la fin de l'entrevue.
Je le rencontre souvent après l'école, sur la rue Fullum, tenant la main d'une
petite fille, toujours la même.
— Ah, ben là!
Vous m'en apprenez une bonne, dit Laurette.
— Ça a pas l'air
bien méchant, ajouta l'enseignant pour la rassurer.
— Mais il est ben
trop jeune pour commencer à courir les filles, protesta-t-elle. Je vais tirer
cette affaire-là au clair en arrivant à la maison, vous pouvez en être sûr.
Cette dernière
remarque de Louis Nantel venait de gâcher sa soirée. Elle en oublia presque
tous les points positifs soulignés par les instituteurs de ses deux fils.
Quand elle
rejoignit Gilles qui n'avait pas bougé du hall d'entrée de l'école, elle
endossa son manteau et sortit à l'extérieur, le visage fermé, sans dire un mot.
— Puis, m'man,
qu'est-ce que Robillard vous a dit sur moi? demanda l'adolescent au moment où
ils se mettaient en marche sur la rue Fullum.
— Il est ben
satisfait de toi, avoua sa mère. T'es arrivé troisième de ta classe ce mois-ci.
— Pas vrai? 237
— Oui, et je suis
ben contente. Ça prouve que tu travailles fort.
La mère et le
fils marchèrent en silence durant un bon moment avant que Laurette ne demande:
— Le professeur
de Richard m'a dit que ton frère était en amour. Es-tu au courant de ça, toi?
— Non.
Laurette tourna
la tête vers son fils et tenta de scruter son visage à la lueur du lampadaire
sous lequel ils passaient à ce moment-là.
— Tu me contes
pas de menterie là?
— Ben non, m'man,
protesta Gilles, un peu mal à l'aise.
— T'essayes pas
de protéger ton frère?
— Pan toute.
—
Weitere Kostenlose Bücher