A l'écoute du temps
son frère Gilles. Comme ça, on aura une chambre pour ma mère.
— Et tu
t'imagines que ta mère va accepter de coucher dans la même chambre double que
des garçons de cet âge-là? Voyons donc, bonyeu! Tu la connais! Elle voudra
jamais.
— Ben, là...
— Ben là, reprit
Laurette d'une voix sarcastique, ça veut dire qu'il va falloir mettre toute la
maisonnée à l'envers pour ta sainte mère. Ça veut dire qu'il va falloir
demander à Jean-Louis et à Gilles d'aller coucher dans la chambre des filles.
Denise et Carole vont être obligées d'aller s'installer dans la chambre des
garçons. Comme ça, ta mère va peut-être accepter de s'installer dans la chambre
de Jean-Louis sans trop chialer.
— Ben, tu vois.
T'as déjà trouvé comment on va s'arranger, fit Gérard.
Sa femme lui
adressa un regard furieux avant de s'asseoir à table devant les pommes de
terre.
— Maudite misère
noire! se plaignit-elle en commençant à les éplucher avec des gestes brusques.
— Ça va vite
passer, voulut la rassurer Gérard qui sentait que sa femme commençait à se résigner
à l'idée d'avoir sa belle-mère sous son toit.
— Tu peux ben
parler, toi, répliqua-t-elle avec humeur.
Tu seras pas ici
de la journée. C'est moi, la folle, qui vais être poignée avec elle du matin au
soir. En tout cas, je te garantis qu'elle est mieux de pas me taper trop sur
les nerfs parce que, ta mère, tu vas la ramasser sur le trottoir avec son
bagage et ça prendra pas de temps, ajouta-t-elle, menaçante.
Sur ces fortes
paroles, elle se tut pendant un long moment. Quand elle parla de nouveau, ce
fut pour ordonner à son mari: 230 UNE MAUVAISE NOUVELLE
— Ouvre donc la
porte une minute pour faire sortir l'odeur écoeurante de cigare de Rosaire. Ma
foi du bon Dieu, il fume de la vraie crotte de chien. Ça pue dans toute la
maison.
A l'heure du
repas, l'annonce de l'arrivée prochaine de la grand-mère suscita un beau tollé
de protestations chez les enfants. Si Jean-Louis n'était pas du tout heureux de
partager sa chambre avec son frère Gilles, les filles n'étaient guère plus
enchantées d'être transférées dans la chambre double, sous l'oeil critique de
leur grand-mère paternelle. Richard fut le seul à accueillir la nouvelle sans
trop s'en faire.
— Je vous
avertis, dit-il en affectant un air mauvais.
Le premier qui me
réveille pendant la nuit en accrochant mon lit dans le couloir quand il va
aller aux toilettes, il va s'en souvenir.
— Arrête, la
terreur, se moqua Gilles. Tu vas finir par nous faire peur.
— Et pour la
pension, est-ce que ça va changer quelque chose? demanda Jean-Louis à sa mère.
— Quoi, la
pension? Qu'est-ce que tu veux dire? demanda cette dernière en allumant une
cigarette.
— Ben. Je paie
une pension pour avoir une chambre à moi tout seul, expliqua le jeune homme.
Là, Gilles va être dans ma chambre.
Son père se
contenta de lever les épaules et de secouer la tête. Il refusa d'intervenir. Il
laissa le soin à sa femme de régler le problème puisque c'était elle qui
percevait le montant de la pension hebdomadaire de Denise et de Jean-Louis.
Elle exigeait un montant un peu plus élevé de son fils parce qu'il occupait
seul une chambre.
— Tu paieras le
même montant que Denise, le temps que ta grand-mère va être dans ta chambre,
décida Laurette après un court moment de réflexion.
23 Ce soir-là, au
moment de se mettre au lit, la mère de famille ne put s'empêcher de dire à son
mari, après avoir fait sa prière, à genoux à ses côtés:
— En tout cas, ça
va faire tout un aria quand ta mère va nous arriver avec sa grosse valise.
— Il nous reste
encore un bon mois avant qu'elle vienne s'installer, lui fit remarquer Gérard.
Tu vas voir, ça sera pas si pire que ça. A part ça, on sait jamais ce qui peut
arriver dans un mois. Il y a rien qui dit que la maison de Rosaire sera pas
déjà prête. On sait jamais.
— On peut toujours
rêver, conclut Laurette d'une voix où perçait nettement le plus grand
scepticisme.
Chapitre 11
Décembre Le lendemain soir, Laurette laissa ses deux filles se charger de
ranger la cuisine après le souper pour aller se préparer à sortir.
— Tu pourrais ben
rester tranquille à la maison à soir, lui fit remarquer son mari. On gèle
dehors.
— Il faut que j'y
aille, dit Laurette sur un ton décidé en
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