A l'écoute du temps

faire.
C'est une niaiserie sans importance, répondit sa mère en lui indiquant la radio
qu'elle voulait écouter.
     
    Laurette se
promit tout de même d'avoir son Richard à l'oeil, surtout durant les vacances
de Noël qui allaient commencer dans une semaine.
     
    Malgré son envie
d'écouter les blagues racontées par Ovila Légaré, son esprit se mit à
vagabonder, préoccupée qu'elle était par les tâches qui l'attendaient.
Heureusement, elle avait terminé ses achats des fêtes le samedi précédent.
     
    Avec son maigre
budget, elle était parvenue à acheter des présents à son mari et à chacun de
ses enfants. Il ne lui restait plus qu'à les emballer, ce qu'elle ferait le
lendemain de manière à pouvoir se consacrer au ménage des fêtes et à la cuisine
la semaine suivante. Il n'était pas question de déposer les étrennes sous l'arbre,
dans la cuisine, à cause du manque de place. Comme chaque année, elle allait
donc les dissimuler sous son lit jusqu'après le souper, la veille de Noël. Il
existait au moins un avantage à avoir des enfants aussi âgés. Il n'était plus
besoin de feindre la venue du père Noël.
     
    Le lendemain
matin, Richard quitta, la maison en même temps que Gilles et sa soeur Carole.
Il neigeait doucement et les odeurs en provenance de la cheminée de la Dominion
Oilcloth étaient entêtantes. Il laissa son frère se diriger seul vers l'école
pour attendre ses trois meilleurs copains au coin de Morin et Fullum. Il
faisait le 241 trajet avec eux presque tous les matins quand il ne servait pas
la messe.
     
    Il regrettait
vaguement de ne pas avoir à servir la messe cette semaine-là parce qu'il aurait
bien eu besoin de cet argent pour acheter un cadeau à Monique. Il ne lui
restait plus un sou. Toutes ses économies étaient passées dans l'achat des
cadeaux de Noël que Gilles et lui allaient offrir à leurs parents. Penser à
Monique lui rappela la délation de Louis Nantel et ses traits se durcirent.
     
    — Lui, je l'ai
pas oublié, dit-il à mi-voix, les dents serrées.
     
    Il va me payer
ça, et pas plus tard qu'aujourd'hui.
     
    L'adolescent eut
le temps de concocter sa vengeance pendant qu'il attendait ses camarades au
coin de la rue. A leur arrivée, il leur raconta ce que leur instituteur lui
avait fait et leur promit qu'il allait faire en sorte de lui faire regretter de
l'avoir dénoncé à sa mère.
     
    — Vous allez
m'aider, annonça Richard à ses futurs complices.
     
    — Aïe! protesta
Alain Cholette. J'ai pas envie de manger une volée par mon père à cause de toi.
     
    — Ben non. Il y a
pas de danger, expliqua Richard.
     
    Tout ce que vous
allez avoir à faire, c'est de demander de l'encre à Nantel pendant qu'il va
nous faire transcrire un texte dans notre cahier de devoir. C'est toujours la
même chose, le mercredi matin. Il fait toujours ça.
     
    — Ouais. Puis
s'il s'aperçoit qu'on n'a pas besoin d'encre? demanda Claude Henripin, pas très
chaud, lui non plus, à l'idée de se mêler d'une vendetta entre son copain et
l'instituteur.
     
    — Il y a pas de
danger. Ça fait au moins trois semaines que Nantel a pas mis d'encre dans nos
encriers et, en plus, c'est toujours un élève qui fait cette job-la.
     
    A l'école Champlain,
tous les enseignants de la troisième à la septième année gardaient dans leur
armoire un gros 242 DÉCEMBRE contenant d'encre surmonté d'un long bec verseur
qu'on utilisait pour remplir les encriers individuels déposés dans le trou
pratiqué à l'extrémité du tablier de chaque pupitre.
     
    — Puis, qu'est-ce
que tu vas faire? demanda Jacques Roy, curieux.
     
    — Ça, tu le
verras ben, fit Richard, l'air mauvais.
     
    Les trois
camarades promirent de faire ce qui leur était demandé, se contentant de la
vague promesse de Richard de ne pas les impliquer dans une action qui pourrait
leur valoir une raclée à la maison ou une correction à coups de règle de la
part de Louis Nantel. Ils s'empressèrent d'oublier tout ça et prirent la
direction de l'école Champlain en chahutant et en se lançant de la neige qui,
maintenant, tombait de plus en plus abondamment.
     
    Après la prière
du matin et le questionnement incontournable sur les numéros de catéchisme à
apprendre la veille, Louis Nantel, vêtu de son éternel veston bleu marine et de
son pantalon gris, prit quelques minutes pour déplorer le fait que si peu de
parents se soient déplacés la veille pour venir le rencontrer. Ses élèves
sentaient