A l'écoute du temps
coeur eut alors un raté.
Elle venait de
lire: «Madame Laurette Morin».
— C'est pas vrai!
s'exclama-t-elle, folle de joie. C'est moi qui ai gagné la dinde! dit-elle
assez fort pour être entendue de toutes les clientes qui se pressaient devant
le comptoir. C'est ben la première fois que je gagne quelque chose! Le
propriétaire de l'épicerie leva la tête et lui adressa un large sourire en la
reconnaissant. Quelques minutes plus tard, il lui remit une grosse dinde de près
de vingt livres sous le regard envieux des personnes présentes dans son
magasin.
Quelques minutes
plus tard, elle passa à la caisse. Elle aurait bien aimé que Gilles soit
présent dans l'épicerie pour transporter sa commande, mais il était parti faire
des livraisons. Trop impatiente pour attendre son retour, elle retint les
services d'un jeune livreur.
C'est une
Laurette Morin radieuse qui rentra à la maison en compagnie de l'adolescent,
qui déposa ses sacs d'épicerie près de la porte. Elle lui donna un vingt-cinq
cents dans un geste d'une générosité sans précédent avant de refermer la porte
derrière elle. Surpris par sa bonne humeur, Gérard lui en demanda la cause en
l'aidant à transporter les victuailles sur la table de cuisine.
— Tu devineras
jamais ce qui m'arrive, fit sa femme en enlevant son manteau. J'ai gagné la
dinde qui était tirée chez Tougas. Regarde, elle est là, ajouta-t-elle en
tirant d'un sac une dinde d'une vingtaine de livres.
— Ben, voyons
donc! s'exclama son mari avec bonne humeur.
— Je gagne pas
souvent quelque chose, reprit-elle fièrement, le sourire aux lèvres, mais quand
ça m'arrive, ça vaut la peine en bonyeu! On va mettre la dinde dans une boîte
dans le hangar, décida-t-elle et je vais la faire cuire et la désosser lundi.
— On rit pas. Il
y a de la belle viande là-dedans, fit Gérard en soupesant la bête.
— Ça, avec de la
bonne farce à la sarriette, ce sera pas battable, conclut sa femme en
commençant à ranger ses emplettes avec l'aide de Carole.
La semaine suivante,
la veille du début du long congé scolaire, Laurette se leva ce matin-là avec
l'idée bien arrêtée de confectionner ses tartes et ses pâtés à la viande de
manière à profiter de sa dernière journée de «sainte paix», comme elle disait.
La perspective de passer une bonne partie de la journée à essayer de préparer
une pâte acceptable était pourtant loin de l'enchanter. De plus, les enfants
étaient si excités à la pensée des vacances toutes proches qu'elle dut élever
la voix à plusieurs reprises pour les calmer durant le déjeuner.
Richard était
particulièrement énervé et n'arrêtait pas de taquiner Carole pour la faire se
fâcher. Après lui avoir volé la moitié d'une rôtie, il venait de jeter par
terre son livre.
— Toi, si tu te
calmes pas tout de suite, tu vas recevoir une claque par la tête, le menaça sa
mère, à bout de 252 DÉCEMBRE patience. Va voir s'il y a rien qui traîne dans ta
chambre et après, fais de l'air. Va-t-en à l'école.
— Il est même pas
huit heures, m'man, protesta son fils.
— Ça fait rien.
Va geler un peu dehors. Ça va te calmer les nerfs. Envoyé! Disparais, je t'ai
assez vu.
L'adolescent dut
sentir que sa mère allait bientôt passer aux actes parce qu'il disparut
rapidement dans sa chambre.
Moins de cinq
minutes plus tard, il reparut, portant son sac d'école.
— Mais ça sent
donc ben mauvais dans l'entrée, se plaignit Carole.
— Qu'est-ce qu'il
y a encore? demanda sa mère.
— Ce sont les
bottes de Richard. Il a encore laissé ses souliers dedans, dit la fillette,
heureuse de se venger de son frère.
— Richard! cria
Laurette. Viens ici! L'adolescent revint dans la cuisine.
— Combien de fois
je t'ai dit depuis le commencement de l'hiver que je voulais pas que tu laisses
tes souliers dans tes bottes quand tu les enlevais?
— Je le sais,
m'man. Mais hier, j'avais pas le choix. Il y a une semelle d'un de mes souliers
qui a décollé.
— T'aurais pas pu
le dire hier soir, sans-dessein? Là, ton père est parti travailler. Il aurait
pu te la réparer hier.
— J'y ai plus
repensé en revenant de la pharmacie.
— Et là, tu vas
faire quoi à l'école aujourd'hui avec ce soulier-là? Ils vont te laisser garder
tes bottes dans la classe? T'as pas d'autres souliers à mettre.
— Je vais dire
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