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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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Morin à l'heure du dîner, il vit Gilles
se dépêcher pour le rejoindre.
     
    — Il paraît que
t'as eu un accident à matin? demanda-t-il à son frère.
     
    — En plein ça,
confirma Richard, l'air désinvolte. J'ai échappé la grosse bouteille d'encre
dans la classe.
     
    — Comment t'as
fait ton compte?
     
    — Un accident,
répondit Richard de façon succincte.
     
    — Et t'as pas
fait exprès, je suppose?
     
    — Devine,
répondit son jeune frère sur un ton narquois.
     
     
     
    — Ah ben, j'en
reviens pas, se contenta de dire Gilles, un peu éberlué par l'aplomb de son
cadet. T'as fait ça tout seul?
     
    — Je me suis
organisé avec mes chums pour remplir d'encre leur encrier. Je te l'avais dit
que le gros Nantel me le paierait, non? se pavana Richard.
     
    — J'espère pour
toi qu'ils vont fermer leur gueule, tes chums, le mit en garde son frère aîné.
Si jamais il y en a un qui se vante et que Nantel en entend parler, tu vas te
faire mettre à la porte de l'école.
     
    — En tout cas,
dis pas un mot de ça à la maison, exigea Richard au moment où ils s'apprêtaient
à pousser la porte de la maison.
     
    Ce midi-là,
Richard fut beaucoup moins serein qu'il ne l'avait escompté. Son frère était
parvenu à gâcher son plaisir de s'être vengé. Il se promit de ne pas faire de
vagues jusqu'aux vacances, la semaine suivante. À son retour à l'école
Champlain au début de l'après-midi, il s'empressa de faire jurer à ses copains
de se taire. Par contre, il était 246 DÉCEMBRE toujours aussi décidé à
fréquenter Monique Côté, si l'on peut dire, et, surtout, à lui offrir un cadeau
pour Noël.
     
    La chance lui
sourit de nouveau durant la récréation de l'après-midi quand il entendit un
camarade de classe dire à un voisin que son grand frère, livreur à la pharmacie
Charland, s'était blessé au dos le matin même en tombant dans l'escalier de la
cave. Il en avait pour un mois à ne pas pouvoir aller travailler. En entendant
cela, Richard ne perdit pas une minute. Quand la cloche sonna la fin des
classes, il courut jusqu'à la rue Sainte-Catherine, avertit Monique en passant
qu'il ne pouvait la raccompagner chez elle et se précipita à la pharmacie.
     
    Avec son aplomb
coutumier, l'adolescent demanda au pharmacien s'il pouvait remplacer son
livreur qu'il venait de perdre. Alphonse Charland, imposant dans son sarrau
blanc, était debout derrière son comptoir. Il le regarda par-dessus ses
lunettes et esquissa un mince sourire. Il venait de reconnaître le jeune qui
était venu lui demander du travail au début de l'été précédent.
     
    — On dirait bien
que tu lâches pas, toi, fît-il remarquer à Richard. C'est toi qui es venu me
demander de l'ouvrage l'été passé, pas vrai?
     
    — Oui, monsieur
Charland, reconnut Richard, plein d'espoir.
     
    — Tu m'as l'air
pas mal jeune pour faire cet ouvrage-là, dit le pharmacien en le scrutant.
     
    — Je vous jure
que je suis capable de faire ça, promit l'adolescent.
     
    — Si je t'engage,
tu vas être obligé de porter les commandes à pied, lui fît remarquer Alphonse
Charland.
     
    L'hiver, je
permets pas à mon livreur de se servir de son bicycle, même quand il y a
presque pas de neige.
     
    — C'est correct,
monsieur. Je marche vite et je suis capable de courir quand c'est pressé.
     
    247
     
    — Le problème,
c'est que tu vas encore à l'école, ajouta l'homme, l'air songeur.
     
    — Oui, mais
l'école achève. S'il y a des commandes pressantes, je pourrais toujours aller
les porter durant l'heure de dîner. En plus, je finis de bonne heure,
l'après-midi.
     
    En temps
ordinaire, Alphonse Charland n'aurait pas engagé un adolescent de cet âge,
surtout parce qu'il n'était pas libre toute la journée. Mais cette fois-ci, il
trouva émouvant le désir de travailler de ce jeune et, de plus, il lui
permettrait d'attendre le retour de son livreur attitré.
     
    — Bon. C'est
correct. Tu commences tout de suite, décida-t-il. J'ai cinq commandes en
retard. Oublie pas.
     
    Fais-toi payer
avant de donner la commande.
     
    — Combien vous
allez me payer? demanda Richard, sans aucune gêne.
     
    — Cinquante cents
par soir. Durant tes vacances, je te donnerai une piastre par jour.
     
    Richard prit un
air dépité qui n'échappa pas au commerçant.
     
    — Qu'est-ce qu'il
y a? Ça fait pas ton affaire?
     
    — Ben. Chez Tougas
et chez Laurencelle, ils donnent soixante-quinze cennes par soir et une piastre
et

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