A l'écoute du temps
quart par jour.
— Si c'est comme
ça, va porter leurs commandes, trancha le pharmacien, prêt à le planter là pour
retourner à son travail.
— Non, non, c'est
correct. Où sont les commandes que vous voulez que j'aille porter?
— Attention de
pas les échapper, le mit en garde Charland en lui tendant cinq petits sacs. Il
y a là-dedans deux bouteilles de sirop. J'ai écrit l'adresse sur chaque
facture.
248 DÉCEMBRE Fier
comme pas un, l'adolescent sortit de la pharmacie et s'empressa de s'arrêter à
la maison pour prévenir sa mère qu'il avait un emploi pour la durée des
vacances des fêtes. Il annonça du même coup qu'il ne souperait qu'en rentrant.
Ce soir-là, il
fît l'envie de Gilles en lui montrant la monnaie que des clients lui avaient
donnée comme pourboire.
— Tes chanceux en
maudit, toi, déclara son frère. Moi, je fais même pas cinquante cennes de tip
dans toute ma fin de semaine.
— Ouais, mais
oublie pas que le bonhomme me donne juste la moitié que ce que tu gagnes chez
Tougas.
— Mais tu vas
travailler plus souvent que moi. Moi, je peux travailler juste le vendredi soir
et le samedi.
— C'est vrai,
reconnut le cadet. En plus, je vais avoir de l'ouvrage tous les jours durant
les vacances.
— C'est une bonne
affaire, finit par dire Gilles après un bref moment de réflexion. Comme ça, tu
vas pouvoir me rembourser toutes les cigarettes que tu m'as empruntées depuis
le commencement de l'été.
— Whow! Exagère
pas, se défendit son frère.
Le surlendemain,
après le souper, Laurette endossa son manteau pour aller faire ses achats
hebdomadaires de nourriture à l'épicerie Tougas de la rue Sainte-Catherine.
— Comment tu vas
rapporter ta commande? lui demanda Gérard, en levant le nez au-dessus de son
journal.
— Inquiète-toi
pas pour ça, répondit-elle. Si Richard peut pas me la rapporter, je la ferai
livrer.
Sur ces mots, la
mère de famille quitta l'appartement. Il faisait froid, mais les trottoirs
étaient enfin bien dégagés.
249 Au coin des
rues Dufresne et Sainte-Catherine, elle s'arrêta un instant devant la vitrine
de la pharmacie pour tenter d'apercevoir Richard à l'intérieur. Son fils
semblait être parti faire des livraisons. Elle poursuivit son chemin jusqu'à
l'épicerie qui, en ce vendredi soir, était prise d'assaut par un nombre
important de ménagères.
— Ça va être le
fun encore. Je vais être poignée pour attendre pour me faire servir ma viande
et ensuite à la caisse, dit-elle à mi-voix en s'emparant d'un chariot qu'elle
aurait beaucoup de mal à déplacer dans les allées trop étroites de l'épicerie.
Elle sortit de son sac à main sa liste d'achats et se mit en devoir de comparer
les prix de différents produits avant de les déposer dans son chariot.
— Tout augmente!
C'est ben effrayant! lui dit une parfaite inconnue en saisissant une boîte de
petits pois près d'elle.
— Vous avez ben
raison, lui concéda Laurette, en s'arrêtant un instant de calculer dans sa tête
la somme que représentait déjà le contenu de son chariot. C'est à se demander
comment on va faire pour nourrir les enfants.
Lorsqu'elle
arriva enfin devant le comptoir du boucher, elle se rendit compte, avec
mauvaise humeur, qu'il y avait une demi-douzaine de clientes devant elle.
— Bonyeu! Je vais
ben passer ma soirée ici dedans! ne put-elle s'empêcher de dire à une dame qui
attendait elle aussi.
— Ça peut aller
plus vite qu'on pense, rétorqua l'autre. Remarquez que, moi, si j'étais celle
qui a gagné la grosse dinde que Tougas a fait tirer, je me plaindrais pas
d'attendre, ajouta-t-elle avec un sourire las.
Depuis cinq ou
six ans, Ernest Tougas faisait tirer une dinde pour fidéliser sa clientèle. A
compter du premier décembre, il incitait tous ses clients à remplir un coupon
250 DÉCEMBRE à la caisse et à le déposer dans une boîte. Le tirage avait
toujours lieu quelques jours avant Noël.
— Elle a déjà été
tirée? demanda Laurette.
— Oui, madame. Il
paraît que ça a été fait à l'heure du souper. Le nom est sur le gros carton, au-dessus
du comptoir, précisa l'inconnue en désignant le comptoir réfrigéré derrière
lequel Tougas et un boucher servaient la clientèle.
Laurette fit deux
pas en avant pour mieux lire ce qui était inscrit en grosses lettres noires sur
le carton orné de cloches rouges et d'angelots. Son
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