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A l'ombre de ma vie

A l'ombre de ma vie

Titel: A l'ombre de ma vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Florence Cassez
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mon
cauchemar. Il n’y a même pas vingt-quatre heures que tout cela m’a emportée,
qu’on m’a confisqué ma vie au point que je ne sais même pas si j’ai encore cet
emploi à l’hôtel, si quelqu’un me cherche seulement. Quand je descends de la
voiture pour entrer dans les locaux de la Siedo (Bureau d’investigation
spécialisé en délinquance organisée), les caméras sont encore là ; je suis
menottée, malmenée, et c’est comme si j’étais quelqu’un d’autre : une
femme qu’on traite en criminelle, à la mexicaine, avec la brutalité et le chaos
que partagent la police et les journalistes. On est au cœur de Mexico et, comme
chaque matin, soudainement, la relative tranquillité de la nuit s’efface sous
les coups de Klaxon impatients, les cris emportés et les sirènes stridentes.
C’est une ville de fureur et de couleurs où j’ai vite trouvé mes marques, parce
qu’il y a une liberté, ici, qui laisse penser que tout est possible, qu’on peut
faire son trou pour peu qu’on bosse. Pendant que nous descendons de la voiture
de l’AFI pour entrer dans le grand bâtiment de la Siedo, des gens
pressés se rendent à leur travail ou vaquent à leurs occupations quotidiennes
sans se douter de ce qui se passe, sans se retourner. S’ils savaient comme je
voudrais être à leur place ! Même ceux qui se rendent à une réunion
ennuyeuse, qui ont un rendez-vous désagréable, qui redoutent de se faire
engueuler par un chef !
    Mes pieds me font mal, je suis fatiguée, j’ai froid, et
surtout j’ai peur. Au moins, ils ne vont pas me tuer. Il y a du monde
maintenant, et je m’aperçois que cela me rassure un peu. L’idée qu’ils
pouvaient faire de moi ce qu’ils voulaient, que personne n’aurait rien su, sans
doute, ne m’a pas quittée de la nuit et, sans oser me l’avouer, j’ai pensé au
pire. Comme si je m’étais battue pour enfouir cette idée terrifiante et qu’elle
surgissait maintenant que je suis soulagée : ils ne vont pas me tuer.
    Je ne me suis jamais sentie aussi loin de chez moi. Même
quand j’ai compris que tout était gâché avec Sébastien, même avec ce fou
d’architecte qui balançait tout ce qui lui tombait sous la main à la tête de
ses employées, j’ai toujours cru en moi, toujours su que j’avais ma place à Mexico.
Mais maintenant tout m’échappe, je voudrais rentrer chez moi. Je suis menottée,
poussée, on se moque de moi, je sens que je ne vaux pas grand-chose aux yeux de
tous ceux qui m’attendent ici.
    La porte d’un bureau sombre se referme, je suis avec trois
policiers qui m’ont assise sans ménagement sur une chaise en fer. Et c’est
reparti. Ils me posent encore les mêmes questions, toujours pour savoir ce que
je faisais là, pourquoi nous avions enlevé ces gens, combien nous recevions,
qui sont nos complices et où ils sont… Je n’en peux plus. Je veux encore leur
dire que je ne savais rien, que je ne comprends rien à tout cela, que je suis
innocente, mais c’est plus fort que moi : je crie. Je m’énerve, je me mets
en colère, une vraie colère que je ne maîtrise pas, qui sort en même temps que
mes larmes, et je veux me lever de cette chaise mais des mains fermes me
plaquent dessus et me maintiennent assise. J’en perds la voix, incapable
d’aller plus loin tant je suis décontenancée : je les fais rire ! Ils
se marrent et se moquent, je vois bien que pour eux je suis coupable et qu’ils
ont tout le temps d’attendre que je leur dise ce qu’ils veulent entendre.
    Ce ne sont plus les policiers de la camionnette ou ceux de
la voiture qui me parlaient doucement tout à l’heure. Ce sont des gradés ou des
hommes d’un autre service, plus important, je le sens bien. Ils parlent avec
plus d’assurance, d’arrogance, en me regardant droit dans les yeux pour me
faire comprendre que ce sont eux qui ont la main, que je ne suis plus
grand-chose, dans cette pièce sinistre au milieu d’eux ; et même quand ce
sont trois autres types qui viennent prendre le relais, une heure plus tard, c’est
encore la même chose. Ils me parlent comme à une coupable et cela me tétanise.
    — Alors, il paraît que tu aimes le café… Il paraît que
tu aimes les chats…
    Je ne sais pas d’où ils sortent ça, mais le ton qu’ils
emploient ne me plaît pas. Ils veulent me faire comprendre quelque chose, mais
je ne suis pas en état. Je sais juste que je me sens toute petite, perdue au
cœur d’une machine policière qui n’a

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