A l'ombre de ma vie
dans
l’opinion. Après New York et Madrid, on entend dire à la télé que cela pourrait
être au tour de la France. Je vis un de ces moments où on ne se sent pas en
sécurité. Au contraire, je me sens seule, j’ai besoin de retrouver les gens que
je voyais, ici, avant mon départ pour le Mexique. Je me suis posée chez mes
parents, à Béthune, mais je vais souvent à Lille, voir mes amis. Là, je me
retrouve, je reprends confiance.
Je comprends vite que ce n’est vraiment pas le moment pour
chercher du travail. C’est l’été pour tout le monde, on dirait. Personne
n’attend une fille comme moi, rentrée d’une expérience mi-figue mi-raisin au
Mexique et pas tellement fixée sur son avenir. Alors, je suis le rythme
tranquille de ce mois de juillet. Je sors, je renoue avec mes amies, j’oublie
petit à petit Mexico, Israël, et je n’ai plus tellement de contacts avec
Sébastien. Je me donne quelques semaines pour atterrir, en quelque sorte, même
si je vois bien que ce n’est pas tout à fait du goût de mes parents. Je crois
qu’ils s’inquiètent. Ils pensent peut-être que la Florence volontaire et
enthousiaste d’avant s’est un peu perdue et que je risque gros, à me laisser
aller à l’indolence maintenant. Pourtant, j’en ai réellement besoin. Je me
rends compte que ces deux années m’ont épuisée. Après une nouvelle conversation
un peu tendue avec mon père, je vais prendre un nouveau virage improvisé. Sur
un coup de tête. Quand j’apprends que Sébastien, Iolany et les enfants arrivent
pour les vacances, je me sens de trop. Je suis piquée au vif par les reproches
que je sens peser sur moi. Je tourne en rond, je cherche une issue et je me
perds un peu, parce que c’est difficile, pour une femme de trente ans, de ne se
sentir fixée nulle part. C’est une période où j’ai un peu honte, aussi, d’être
rentrée du Mexique sans rien dans les poches. Alors, je décide de repartir.
C’est encore une réaction d’orgueil. Je suis mal dans ma peau, fragilisée par
mes hésitations et tout ce que je ressens comme des échecs, alors je veux me
reprendre. C’est un maudit coup de tête.
C’est mon troisième automne à Mexico. Je commence à
connaître ce doux prolongement de l’été où les températures se font plus
supportables, où on sort du travail avec l’agréable impression que la journée
n’est pas terminée, qu’on va pouvoir en profiter. Encore faut-il avoir un
emploi. Israël a bien voulu m’héberger, peut-être parce qu’il espère renouer.
Pourtant, j’ai été claire. J’ai fixé les règles et il les a acceptées,
gentiment. Il me regarde éplucher les journaux d’annonces et tenter ma chance
ici et là. Je le vois aller et venir entre les garages de ses frères, où il
travaille toujours, et d’autres occupations dont je prends bien soin de ne pas
me mêler. Surtout, je ne lui pose pas de questions. Nous ne sommes plus
ensemble et je veux qu’il le sente. Manifestement, il a pris des responsabilités
dans son travail, parce que je l’entends parfois donner des ordres, lancer des
achats importants. Parfois, il m’emmène au restaurant et je trouve que nous
avons construit une relation agréable, nouvelle, apaisée.
Un jour d’octobre, je tombe sur une annonce qui me plaît
bien. Cette fois, c’est dans un hôtel, plutôt haut de gamme, vers le quartier
des ambassades, dans le centre de Mexico. J’appelle, je suis reçue, je passe
des entretiens, et même des tests psychologiques, et tout se passe à merveille.
Je maîtrise bien l’espagnol, maintenant, c’est important, et le récit de ce que
j’ai fait en France, les lettres de recommandation favorables, tout ça fait
bonne impression. C’est donc un vrai bonheur d’être embauchée à l’hôtel Fiesta
Americana, parce que je sens que c’est une entreprise importante, où je pourrai
trouver ma place et progresser comme je rêve encore de le faire. La voilà
peut-être enfin, ma vraie chance : une place d’hôtesse à l’étage des VIP.
Il y a tellement de travail, tellement de mouvements et de sollicitations. Tout
cela me plaît tout de suite. Je trouve facilement un petit appartement, calle Hamburgo, dans un quartier proche de l’hôtel. Je peux enfin m’installer.
Israël prend les choses avec philosophie et propose même de m’aider. J’ai l’impression
que tout se met enfin en place.
III
9 décembre 2005
Le jour est levé depuis un moment. Le deuxième jour de
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