A l'ombre de ma vie
pas bonne réputation et qui peut me broyer
à son gré sans que je puisse rien y faire. Et plus personne, maintenant, ne
montre la moindre volonté de m’aider ou seulement de m’être agréable.
— Tu peux parler, tu sais. Israël a tout avoué. Il dit
que tu étais avec lui, qu’il a enlevé ces gens et pas mal d’autres aussi, et
que tu l’aidais à les séquestrer. On sait bien que tu es coupable et c’est ce
qu’il nous a dit.
Je ne peux pas le croire ! D’ailleurs je ne le crois
pas. Comment Israël irait inventer tout ça ? Pourquoi aller raconter des
choses pareilles ? Parce qu’ils l’ont battu, évidemment. Je l’ai vu dans un
sale état. Et pourtant, je ne doute pas une seconde. Il ne peut pas avoir dit à
ces types que j’ai séquestré des gens, ça ne tient pas debout.
Pour me laisser mijoter avec tout cela, sans doute, on me
laisse seule un moment. Mais s’ils croient que je peux réfléchir, ils se
trompent ! Je me sens désarticulée, complètement happée par cette histoire
plus forte que moi, et je devine seulement que tout ça est en train de devenir
grave, que je suis une criminelle aux yeux de la police la plus puissante du
pays et que je vais sans doute passer de sales moments. Ils finiront bien par
s’apercevoir de leur erreur, ça ne fait aucun doute, mais en attendant que
va-t-il m’arriver ?
Je commence à en avoir une petite idée, tout de même.
D’abord, dans les étages où ils m’ont traînée, ils m’ont fait passer d’un
« cube » à l’autre : des sortes de cellules aux parois
métalliques, froides, sales, inquiétantes. Un médecin arrive. Je pense que
c’est un médecin parce qu’il porte une blouse blanche. Il ne se présente pas,
ne me dit rien de ce qu’il va me faire, mais me donne des ordres :
« Déshabille-toi », « Tourne-toi »,
« Rhabille-toi »…
Et puis ce sont des gamins, maintenant. Ils sont jeunes, je
ne vois pas ce qu’ils font là. On dirait des étudiants, mais pourquoi ont-ils
le droit de me poser tant de questions sur ce que je faisais, avec qui je
vivais, comment était ma vie ? Ils sont arrogants, je n’arrive pas à
m’expliquer, et de toute façon j’ai l’impression qu’ils ne m’écoutent pas. Ils
sont juste là pour me crier dessus, je n’y comprends toujours rien.
Je crois que c’est l’après-midi. Le moustachu costaud qui
m’avait frappée, au ranch, est revenu. C’est celui qui me fait le plus peur. Et
pourtant, il est très calme, cette fois, assis sur le bureau, une sorte de
rictus au coin des lèvres, il semble content de ce qui se passe et je sens que
ce n’est pas bon du tout pour moi. Il me demande si je connais Eduardo
Margolis. Que faut-il que je réponde ? Bien sûr, je le connais, mais il a
une telle réputation que je ne sais pas s’il faut que je le dise.
Encore une fois, je n’ai pas tellement le temps de
réfléchir. Ils rient tous les trois, se racontent des choses que je ne saisis
pas et deviennent soudain menaçants :
— Il va t’enculer, Margolis !
Je sens un nouveau malaise monter en moi. Comme la nuit
dernière, peut-être, quand j’avais peur de mourir. Je repense à ce que m’a
raconté Sébastien : les menaces de mort, quand il s’est définitivement
fâché avec son ancien associé, et même les avertissements qui concernaient ses
deux enfants. Je me souviens que Sébastien avait pris cela au sérieux, qu’il
avait eu très peur.
Sur la table, devant moi, un des hommes a jeté des cartes de
visite du temps où je travaillais pour Sébastien. Elles portent mon nom, bien
sûr, et le logo de la société de matériel médical que possédait mon frère, avec
Eduardo Margolis. En ce temps-là, Sébastien ne se méfiait pas. L’autre avait
mis de l’argent et ils semblaient croire tous les deux à leur affaire. Mais
plus il a connu Margolis, plus Sébastien a pris peur. Le portrait qui s’est
dessiné de ce type au regard noir est vite devenu inquiétant. Il avait des
relations ambiguës avec la police et ne s’en cachait pas. Un parfum de
corruption flottait au milieu de tout cela et sur ses autres activités, dont il
parlait de plus en plus ouvertement : la protection rapprochée de
personnalités, le blindage de voitures, et aussi un cabinet privé qui se
consacrait à la résolution de kidnappings, justement. Il disait que c’était en
liaison avec la police, mais cela ne signifie pas grand-chose, ici. Au Mexique,
tout le monde sait que des
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