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A l'ombre de ma vie

A l'ombre de ma vie

Titel: A l'ombre de ma vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Florence Cassez
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qu’il lui fallait trente mille euros, que quelqu’un
d’autre la détenait, et puis, au fil du temps, il n’en a plus parlé. J’ai de
moins en moins confiance en lui, d’autant qu’il a demandé beaucoup d’argent à
mes parents, qui sont en train de se saigner à blanc pour moi, à l’âge de la
retraite, et qu’il ne fait pas grand-chose en retour.
    Il remonte dans mon estime quelques jours plus tard. Ce
matin-là, j’arrive à l’audience après un voyage en fourgon assez tranquille –
ou peut-être que je finis par m’y habituer. Et puis, j’ai autre chose en
tête : aujourd’hui c’est Ezequiel qui témoigne. C’est une affaire,
ça ! La seule personne qui me reconnaît comme sa ravisseuse depuis le
début. En fait, j’ai réalisé à l ’arraigo que ce type est celui que j’ai
aperçu, brièvement, derrière la cloison de bois du cabanon, le matin où il y
avait toutes ces caméras, au ranch. Celui qui portait un bandeau dans les
cheveux. Je suis vraiment curieuse de l’entendre, celui-là, et mon avocat me répète
que son témoignage ne tient pas debout, qu’il se charge de le démontrer. J’ai
l’impression qu’il a confiance et j’ai une folle envie de le suivre dans ce
sentiment.
    Les premiers témoins appelés sont le frère et le père
d’Ezequiel. On leur passe les cassettes de leur répondeur téléphonique, qu’ils
ont gardées. C’est la voix d’un homme qui dit être le ravisseur d’Ezequiel, qui
demande une rançon et donne des instructions. Il y a trois ou quatre appels en
tout et la question, pour le tribunal, est de savoir si cette voix peut être
celle d’Israël. Mais ce n’est pas concluant. À mes côtés, Israël n’a pas
bronché et je n’ai pas reconnu sa voix, même si c’est difficile, parce que
l’enregistrement est de mauvaise qualité, plutôt nasillard.
    Arrive ensuite Ezequiel. J’avais gardé le souvenir d’un
homme plutôt grand, avec de la personnalité, et même beau dans mon souvenir. Je
me retrouve face à un type sans envergure, un peu pataud, le regard terne. Cela
n’a plus rien à voir du tout avec l’impression qu’il m’avait faite le 9
décembre. On n’est pourtant que quatre mois plus tard.
    Il débute son témoignage contre moi. Jorge Ochoa avait
raison : il m’accuse directement, sans le moindre doute. Dès qu’il se met
à parler, je cherche son regard, je voudrais tellement le croiser, voir ses
yeux et même si j’ai reçu consigne stricte de ne pas prendre la parole, lui
demander par un regard : « Pourquoi ? Mais pourquoi tu
mens ? ».
    Mais il prend bien soin de ne jamais me regarder. Il a le
plus souvent les yeux baissés et je l’entends parler de quelqu’un qui n’est pas
moi, ce n’est pas possible, en tout cas je ne me sens pas concernée. Il raconte
qu’il a été détenu, maltraité, qu’il nous reconnaît sans le moindre doute,
Israël qui l’a frappé et moi qui l’ai gardé. Il est sûr d’avoir reconnu ma
voix, pas le moindre doute. Apparemment, je lui aurais apporté un sandwich,
aussi, une seule fois. Tout cela se passait dans une maison – celle qu’il avait
décrite dans son interrogatoire du 26 décembre 2005. Ce jour-là, il avait
reconnu la maison de la sœur d’Israël, Lupita, et de son compagnon d’alors,
Alejandro Mejilla. Il l’avait décrite dans tous ses détails, avant même le jour
de la reconstitution lorsque les policiers l’ont amené dans cette rue de
Xochimilco, un faubourg de Mexico, à une trentaine de kilomètres du ranch
d’Israël.
    Tout cela ne tient pas : le lieu de détention qu’il
décrit ne serait donc pas le ranch mais la maison de Lupita. Jorge Ochoa prend
des notes, prépare ses questions, et je sens Israël s’énerver et s’agiter à
côté de moi. Ezequiel parle beaucoup et le tribunal est aux petits soins, bien
sûr. « Le témoin veut-il un verre d’eau ? », « Le témoin
veut-il s’asseoir ? » Il est considéré comme une victime et cela
m’agace parce qu’il devient évident qu’il ment. Mais son témoignage se fait de
plus en plus confus : il ajoute beaucoup de détails à ses déclarations qui
ont déjà pas mal évolué depuis la première fois. Il me reconnaît à ma façon de
rouler les « r », à mes cheveux blonds qui dépassaient d’un bonnet que
je portais pour masquer mon visage, il dit que j’étais dans la deuxième maison,
puis dans la première, on ne sait plus très bien, et même le tribunal

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