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A l'ombre de ma vie

A l'ombre de ma vie

Titel: A l'ombre de ma vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Florence Cassez
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souviennent pas de moi. Sans y réfléchir, je note
au fur et à mesure, comme si je tenais une liste : non, non, non… Je me
dis que c’est gagné, et Horacio semble très content. Et même quand arrive Luis
Cardenas Palomino, en fin de journée. Celui-là, on le présente comme le bras
droit de Garcia Luna. Son homme à tout faire, l’exécuteur des basses œuvres. Il
a déjà fait de la prison, mais je ne sais pas exactement pourquoi. C’est un
type assez jeune, le regard noir et intense, très brun et élancé. À sa manière
de parler, d’enrober ses banalités dans une sorte de fausse politesse, on le
sent capable d’une rare violence. Lui non plus ne me reconnaît pas. Il affirme
qu’il ne se souvient pas de moi, et pourtant il reconnaît qu’il était là, le
matin du montage pour la télévision, au ranch. Il aurait d’ailleurs du mal à
prétendre le contraire, parce qu’on le voit sur les images. Au moment où le
journaliste annonce en direct que les policiers vont entrer dans la cabane, au
fond du ranch, qu’il y a sans doute des ravisseurs et trois victimes avec eux –
je me suis d’ailleurs toujours demandé comment il pouvait le savoir avant même
d’entrer –, on voit nettement que les policiers n’ont pas besoin de défoncer la
porte : quelqu’un leur ouvre. Et cet homme-là, qu’on distingue un court
instant, mais très nettement, c’est Luis Cardenas Palomino. Que faisait-il à l’intérieur
de la cabane si c’était une intervention en direct de l’AFI en mission ?
Personne ne se l’est jamais demandé. Surtout, personne ne le lui a jamais
demandé. Et il repart comme les autres, dans une sorte de mépris, sans qu’on
lui en demande plus, sans qu’il ait apporté le moindre élément qui pourrait
trahir ce qu’ils ont fait cette nuit-là, quand ils ont séquestré deux
personnes, qu’ils en ont torturé une, et qu’ils sont allés en chercher trois
autres pour les présenter comme les victimes d’une bande de ravisseurs. Où
sont-ils allés les chercher, ces trois-là, dont une enfant de onze ans ?
Par qui avaient-ils été enlevés et qui protège-t-on dans cette affaire ?
Je n’ai toujours pas le début d’une réponse.
    Mais tout de même, à mesure que le procès avance, Horacio me
reconfirme sa confiance. C’est vrai que rien de solide ne peut être retenu
contre moi. Les témoignages des personnes présentées comme mes victimes n’ont
pas paru très crédibles : elles se sont ouvertement contredites et
d’ailleurs, selon mon avocat, le droit mexicain dit qu’en cas de témoignages
contradictoires, force doit rester à la première version, considérée comme la
plus spontanée. Dans leur première version, ni Cristina ni son fils ne parlent
de moi. Au contraire : ils affirment ne jamais m’avoir vue ni entendue.
Alors, je tente de faire comme Horacio Garcia : j’essaie d’avoir
confiance.
    Et le procès continue.
    En ce moment il y a beaucoup de changements, à la prison de
Tepepan. Des filles avec lesquelles je m’entendais bien sont remises en liberté
ou transférées. Notamment celle qui m’avait tellement protégée, conseillée, qui
avait été là dans les moments où je lâchais prise. Elle s’en va et je me rends
alors compte que je suis seule ici. Je ne me l’étais encore jamais dit de cette
manière, justement parce qu’elle était là, avec son autorité presque
maternelle, résolument protectrice sans que je sache exactement pourquoi. Mais
c’était ainsi : j’avais à peine le temps d’éternuer qu’elle me tendait un
mouchoir !
    Ma deuxième période de dépression commence. En tout cas, je
perds à peu près dix kilos en quelques mois, alors que je n’étais déjà pas bien
grosse. Je vois les os de mes bras ressortir, je n’ai plus la force
d’entreprendre quoi que ce soit. En France, l’élection présidentielle est
remportée par Nicolas Sarkozy, mais cela ne me fait ni chaud ni froid. Je suis
si loin de tout cela. Si seule. Si désemparée.
    Je pourrais m’occuper pourtant, parce que le rythme des
audiences se ralentit progressivement. Il y a encore ce jour où viennent les
journalistes, dont on aurait pu attendre autre chose. Mais ils ont peur, aux
aussi. Pablo Reinah, journaliste vedette de Televisa qui a commenté les images
en direct le matin du 9 décembre, n’est pas là. Au contraire de son cameraman,
mais celui-ci ne dit rien. Il ne se souvient plus, se retranche derrière le
secret de ses sources.

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