A l'ombre de ma vie
Alejandro Mejilla, avec qui
elle vivait à l’époque à Xochimilco. Je ne demande que ça, moi. Surtout depuis
qu’elle est venue me voir, avec cet air vaguement inquiétant. Mais la requête
est rejetée d’un revers de manche. Lupita, qui avait cessé de venir pendant
quelque temps, peut-être parce qu’elle sentait le danger, peut venir à nouveau
à l’audience. Personne ne l’embêtera plus jamais.
Vraiment, je n’ai pas beaucoup d’illusions, alors que la fin
de l’année 2007 approche. Cela va bientôt faire deux ans, maintenant, et j’ai
toujours le sentiment d’être au fond d’une nasse dont personne ne peut me
sortir. Horacio Garcia est mon seul espoir, il se démène pour essayer de me
faire partager son optimiste. Je sens bien que, pour lui, le procès est bientôt
terminé. Souvent, dans ses commentaires, je l’entends décompter le nombre de
témoins qui l’intéressent encore et il y en a de moins en moins. L’avocat
d’Israël, en revanche, fait de plus en plus de demandes pour des témoins
supplémentaires. Et elles lui sont toujours accordées. Horacio estime que son
confrère veut faire durer les débats et que ce n’est pas notre intérêt. Un
jour, il me fait part de son intention de demander la disjonction de nos deux
dossiers. C’est possible, ici, et même en plein procès. Il estime que ce sera
moins dangereux pour moi, puisque Israël est poursuivi pour neuf enlèvements,
et même pour la mort d’un de ses otages, un certain Ignacio Figuera Torres dont
je n’ai jamais entendu parler. C’est un homme dont le frère aurait payé la
rançon et qui aurait tout de même été exécuté. Pour Horacio, les débats ne sont
pas favorables à Israël, et décidément, pense-t-il, il vaut mieux s’en
éloigner. Après tout, c’est lui l’homme de loi ; je ne connais rien aux
procédures, surtout au Mexique, et j’ai toujours confiance en lui. Il est moins
hâbleur que Jorge Ochoa, je me sens plus proche de lui. Je vois qu’il fait les
choses sérieusement, même si j’ai parfois envie d’un peu plus d’agressivité, si
je le trouve patient face à tous ces mensonges. Il me dit qu’il ne sert à rien
d’indisposer le tribunal, qu’il vaut mieux faire profil bas et que tout ira
bien, au bout du compte.
C’est la même chose avec la presse, d’ailleurs. Je sais bien
que plusieurs journalistes aimeraient me parler et que c’est tout à fait
possible par téléphone. D’ailleurs, c’est autorisé, ce n’est pas comme en
France. Ici, on considère qu’un détenu est privé de sa liberté d’aller et
venir, pas de sa liberté d’expression. Je pourrais donc parfaitement appeler
des journalistes, mais mon avocat me l’interdit :
— Moins on parlera de vous, plus vous aurez de chances
de repartir chez vous. L’opinion ne s’en apercevra même pas, elle vous oubliera
et ils n’auront plus aucune raison de vous garder.
En attendant, il va décider que le procès est terminé. Cela
se passe comme ça. Quand l’avocat estime que les débats sont allés suffisamment
loin, qu’on a entendu tous les témoins qu’il souhaitait présenter pour sa
défense, il peut demander la clôture de l’audience, si le tribunal est
d’accord. Le procès en lui-même est terminé et il faut alors attendre le
jugement, la sentencia.
Cette décision m’angoisse, en même temps j’ai hâte d’en
finir. Il y avait bien un dernier témoin que j’étais curieuse de voir, mais ça
ne sera pas possible. C’est encore un de ces témoins de dernière minute, presque
providentiel, un maraîcher qui vendait ses fruits et légumes sur un marché,
près de chez Cristina Rios Valladares. Peu après mon intervention téléphonique
dans l’émission de Denise Maerker, quand Cristina est revenue sur son
témoignage pour changer de version et me reconnaître finalement, ce maraîcher
est venu spontanément dire à la police qu’il venait de me reconnaître, lui
aussi. Justement à ce moment-là, alors que j’étais passée à la télévision et
dans les journaux tous les jours pendant des semaines ! Pour lui, j’étais
cette jeune femme qui semblait suivre Cristina à distance, de manière suspecte,
quand elle faisait ses courses au marché. Je lui avais même adressé la parole
et il avait noté mon accent français. C’est pas une aubaine, ça ? Le problème,
c’est que dans les dates qu’il donnait, certaines correspondaient au moment où
j’étais en France. Alors,
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