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A l'ombre de ma vie

A l'ombre de ma vie

Titel: A l'ombre de ma vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Florence Cassez
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et il fait
beau, je suis terriblement nerveuse. Dans le bureau du fond, un homme que je ne
connais pas s’approche et me tend un papier, presque sans un mot. Je ne sais
pas ce que c’est, mais je n’aime pas ça. Mécaniquement, sans savoir exactement
ce qui m’attend, je déplie, j’ouvre et je lis : « Culpabilité
confirmée. »
    J’ai une sorte de vertige. Je ne sais plus ce que je fais,
où je vais, je sais seulement ce que cela signifie : je ne sors pas. Ce
n’est pas encore pour maintenant. Tout s’écroule, tout ce que je m’étais bâti
ces derniers jours, parce que tout le monde me laissait entendre qu’il fallait
avoir confiance, que la justice mexicaine est indépendante et sereine, que mon
dossier est vide et que tout le monde sait, aujourd’hui, que les témoignages
qui y figurent sont de grossiers montages. La belle affaire ! J’ai encore
eu tort d’y croire, et une incroyable douleur me prend le ventre, une rage à
pleurer : tout cela ne finira donc jamais ! Je ne sortirai jamais et
ma vie est foutue, foutue…
    Au téléphone avec Frank Berton, je comprends d’abord que le
juge a ramené ma peine à soixante ans. Il a tout de même supprimé les vingt ans
pour l’enlèvement du mari de Cristina Rios Valladares, cet homme qui n’a jamais
été enlevé ! Mais il y a pire, dans cette sentence. La première n’était
pas cumulative : selon la loi mexicaine, je n’aurais dû purger que la plus
forte des sept peines prononcées, c’est-à-dire vingt ans. Or, ce n’est plus le
cas : cela signifie que je dois tout purger. Pour moi, cela ne change rien :
je ne me suis jamais imaginé passer ici quatre-vingt-seize ans ni même vingt
ans. Mais là, ma peine vient de passer de vingt à soixante ans. Le message est
clair : le pouvoir mexicain est ferme, implacable. Il ne veut pas me
lâcher, et même pas me faire le moindre cadeau. Cette sentence incroyablement
sévère tombe cinq jours avant la visite du président, qui s’est si fortement
impliqué. À l’autre bout du fil, pendant que je suis abattue, Frank Berton est
hors de lui :
    — C’est un défi à la justice ! Un défi à l’État
français qu’on méprise et qu’on humilie !
    Et tout le monde le prend ainsi. En France, on parle de
provocation, on dit que le voyage de Nicolas Sarkozy est compromis, Jean-Luc
Romero lui-même, mon plus fidèle soutien, déclare qu’il ne « voit pas
comment le président pourrait maintenir sa visite officielle dans ces
conditions ». C’est une catastrophe.
    Frank Berton fait feu de tous bois. Il répond aux
journalistes qui l’appellent et me demande de téléphoner, encore une fois, à
son cabinet. On me dit qu’il y a du monde, les télévisions, les radios et toute
la presse écrite. J’exprime mon désespoir, l’incroyable désillusion qui vient
après une vraie période d’espoirs et de promesses ; j’ai l’impression de
répéter toujours les mêmes choses et je ne parviens pas à contenir mes larmes.
Pourtant, j’aimerais tant être à la hauteur, montrer à tout mon pays que je
suis capable de me battre encore. Frank m’a donné un numéro à appeler, juste
avant treize heures. En France, c’est vingt heures. Je vais passer dans le journal
de Laurence Ferrari, que je ne connais pas, mais je sais que le 20 heures de
TF1 est le plus regardé en France. Alors, je veux être forte, encore une fois,
je ne veux pas que les gens se disent que je suis une pleureuse, que c’est
lassant de m’entendre me plaindre. La journaliste est adorable. Elle a des mots
très gentils, elle me demande comment j’encaisse le choc et je tiens le
coup ; mais je m’écroule de nouveau, je raccroche en larmes, je n’ai plus
confiance en rien, pas même en moi-même. La peur m’est revenue. J’ai peur de
tout. Je tremble à nouveau continuellement et j’ai la tête vide, comme
anesthésiée par l’angoisse de ce qui va se passer. Frank Berton a appelé
l’Élysée, évidemment, et on lui a répondu qu’il serait reçu avec mon père le
lendemain. Ma mère n’ira pas : mon grand-père vient de mourir, elle est
partie dans sa famille, dans le centre de la France. Dans quel état elle doit
être, ma mère ! Elle aussi commençait à se laisser gagner par l’espoir, je
le sentais bien. Et maintenant, tout s’écroule en même temps : l’idée de
récupérer sa fille et son père qui s’en va.
    Dans le bureau de Nicolas Sarkozy, c’est d’abord
l’incompréhension.

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