A l'ombre de ma vie
explique
les ramifications des cartels de la drogue dans la société mexicaine et la
pression de la demande américaine sur leurs activités. Pour lutter contre une
telle criminalité, Genaro Garcia Luna est aux premières loges. Mais depuis
quelques mois, sa réputation est sérieusement écornée. D’abord, il paie les
méthodes violentes et cyniques de sa police, et notamment de l’AFI, dont il a
été le chef. La rafle d’Atenco, en mai 2006, au cours de laquelle la police a
torturé et violé des habitants qui avaient eu le tort de poser des questions et
de s’opposer à des arrestations trop violentes, ou encore le scandale de la
« narcovidéo » ne font que renforcer les rumeurs, désormais
ouvertement abordées dans les journaux, qui lient Garcia Luna et Luis Cardenas
Palomino, son bras droit, au cartel de Sinaloa, l’un des plus cruels du pays.
Nicolas Sarkozy doit d’abord séjourner avec son épouse dans
une maison du bord de mer, du vendredi 6 mars au soir au dimanche 8, avant de
rentrer à Mexico, afin de passer une soirée privée en compagnie du couple
présidentiel mexicain. C’est là qu’ils doivent évoquer mon cas. J’attends ce
moment avec fébrilité.
La surprise, c’est le vendredi soir. La divine surprise. On
m’appelle en bas parce qu’un visiteur m’attend. En fin de journée. Ce n’est ni
l’heure ni le jour des visites. Je suis surexcitée, je me demande ce qui va
m’arriver. Je sais que les époux Sarkozy sont arrivés, je pense à Carla, je
sais qu’il faut m’attendre à tout. Et je vois un homme au bout du couloir
encore plus excité que moi. C’est un type de l’ambassade. Il me tend juste un
papier avec un numéro de téléphone que je dois composer tout de suite. Je dois
appeler le président !
— Vite ! Vite ! me dit l’homme, et il me
pousse vers le téléphone mural.
J’ai du mal à appuyer sur les touches. Il me dit de me
calmer – ça lui va bien de me dire ça ! Nous sommes là tous les deux dans
un couloir désert, nous écoutons les sonneries du téléphone en n’y tenant plus,
et soudain on décroche :
— Bonjour, c’est Florence Cassez.
— Ne quittez pas.
Je serre le combiné, je le colle le plus possible contre mon
oreille, je ne vois plus rien de ce qui se passe autour de moi.
— Allô, Florence ? Nicolas Sarkozy à l’appareil.
Comment allez-vous ?
Je reconnais sa voix. Quel choc ! Je tombe. Je
tombe ! Pas physiquement, bien sûr, mais j’ai l’impression que mes jambes
s’enfoncent dans le sol et que je suis seule au monde, enfin uniquement avec le
président qui me parle au téléphone, et qui va peut-être évoquer ma libération.
Je ne dois pas manquer un seul de ses mots.
— Il est important pour moi de vous parler. Je viens
d’arriver au Mexique et je veux vous dire que je ne vous laisserai pas tomber,
Florence.
Et je m’entends lui répondre :
— Oui, Monsieur le président, oui, Monsieur le
président.
C’est tout ce que je sais dire ! J’ai perdu mes mots,
mes répliques… Moi qui n’ai pas ma langue dans ma poche, je suis comme bloquée,
et ce n’est même pas consciemment que je lui réponds ces pauvres phrases :
elles sortent automatiquement et dans le téléphone je les entends comme si
quelqu’un d’autre les prononçait…
Florence, il va falloir que vous me fassiez confiance. J’ai
un plan en tête, je crois qu’on vous en a parlé. Pour commencer, il faut que
vous acceptiez le rapatriement.
Là, je retrouve ma voix :
— Je ne suis pas d’accord !
J’ai dit cela spontanément et il a bien compris. Je lui
explique qu’il est trop difficile de me résoudre à reconnaître ma culpabilité,
que j’y pense depuis plus de trois ans et que je ne suis pas prête à lâcher
comme cela.
— J’insiste, Florence. Je vous le répète : il faut
que vous me fassiez confiance.
Il a dit cela doucement mais fermement, comme on l’entend
souvent s’exprimer à la télévision. Je suis un peu secouée parce que, cette
fois, c’est à moi qu’il s’adresse et j’en perds un peu de ma conviction, je ne
sais plus ce que je dois penser. J’ai surtout envie de ne pas répondre
maintenant, de réfléchir encore à tout cela, mais pour l’instant cela m’est
impossible. Je suis tout entière captivée par ce qui m’arrive, concentrée, à
l’affût de chacun de ses mots. Et je l’entends me dire que mon père est un
homme formidable, et…
— Florence, c’est comme si
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